MANQUER DE VOCABULAIRE

Manquer de vocabulaire, ne pas avoir l’envie d’en acquérir peut être gravement handicapant. À une personne à qui je parlais de « rationalisation », j’ai osé demander : « Sais-tu ce que veut dire ce mot ? ». J’aurais pu la vexer, mais il n’en fut rien et elle me répondit dans la foulée : « Une petite portion de quelque chose ». J’avais bien fait de l’interroger au sujet du sens de ce mot. Elle ne comprenait pas CE que je disais. Elle comprenait QUELQUE CHOSE, mais pas CE que je cherchais à lui transmettre. Dans le fond, elle n’avait pas absolument tort ; elle pensait très clairement au « rationnement » qui apparaît généralement dans les périodes de crises économiques sévères ou de guerres franches, mais le sens du mot que je venais d’employer lui échappait totalement. 

À partir de cet exemple, je poursuivrai en disant que les journaux télévisés et certaines émissions-débats par exemple se font en langage dit « soutenu » et qu’il est important de posséder un certain vocabulaire pour ne pas passer à côté de leurs contenus. Quoi que certains en pensent toujours présomptueusement, bien souvent, le contexte n’est pas suffisant pour amener le sens précis d’une phrase jusqu’aux oreilles de Monsieur Tout-le-Monde.

Qu’avait donc compris mon ami à qui je venais de dire qu’à mon sens il fallait s’efforcer de « rationaliser » (non pas dans un sens psychanalytique) le plus souvent nos propos ?  Il avait compris qu’il fallait les réduire, c’est-à-dire parler moins ou parler peu.  De mon côté, je cherchais à lui faire comprendre que rationaliser ses propos revenait à laisser parler le moins possible nos humeurs dont l’essence déformante ne nous permettait pas de rendre compte de la réalité. Il entendait donc complètement autre chose. Il était ailleurs, à côté. Tout l’art de la pédagogie réside dans la volonté et l’aptitude à réduire à néant toutes les possibilités de mésinterprétation.  Combien de dialogues ne s’inquiètent aucunement de ce point crucial ? Combien ne sont que bavardages purs, échanges affectifs, sans soucis réels de compréhension ? Le plus souvent, ne trempons-nous pas par fainéantise dans l’illusion d’être compris ou compréhensibles et ne restons-nous pas cloisonnés, enfermés au-dedans de nous-mêmes, condamnés à un parallélisme pernicieux ?

©Thierry Aymès

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