LES BRAS CROISÉS

Un homme est assis sur sa chaise. Cela fait bien une heure qu’il n’a pas dit un mot. Les yeux rivés sur son poste de télévision, Il a les bras croisé. Depuis quelques jours, il sent bien que quelque chose ne va pas, alors il dit à sa femme : « Si tu pars, je me suicide après avoir brûlé notre maison, comme ça tu n’auras rien et tu dormiras dehors ». C’est beau l’amour ! Ils se sont aimés juste assez pour se marier.

Mais que dit-il en la menaçant de mettre fin à ses jours et de réduire leur domicile en cendres dans le cas où elle déciderait de le quitter ?

Qu’il ne veut pas pas vivre sans son épouse; qu’il ne le veut pas, parce qu’il pressent qu’il ne le peut pas. Pourtant, il passe son temps à la dénigrer, à lui faire des reproches, à lui dire qu’elle n’est pas normale et même qu’elle est moche. Mais il dit aussi qu’il refuse de se remettre en question, qu’il ne tient pas à porter la responsabilité de leur séparation imminente. Il n’a pas ce courage. Il a peur de la solitude qu’implique un dialogue avec soi-même, peur du face-à-face avec ce qui a conditionné son mutisme radical et qu’il fuit comme la peste.

OK ! Reprenons. Sa femme a tous les défauts, mais il se livre à un chantage affectif dans le but de la garder près de lui. Pourquoi (encore) ?

Parce qu’il n’a pas d’amis, seulement des collègues de travail et… La télévision… Plusieurs heures par jour, en guise de socialité. Parce qu’il n’a que Martine dans sa vie et qu’elle est la seule à pouvoir témoigner de ce qu’il prétend être sa supériorité… Alors, à sa manière, il la séquestre depuis 30 ans. Il la tient loin autant que possible de celles et ceux qui pourraient lui faire entendre une autre musique. Allez savoir ! Un imbécile pourrait la trouver joli et intéressante. il pourrait être séduit par ses désirs bohèmes.

Il est persuadé qu’un homme n’a que le devoir de subvenir aux besoins de son épouse et de ses enfants en travaillant dur, que les discussions, c’est pour les femmes. Il s’est construit ainsi. Mais aujourd’hui rien ne va plus. Il est victime d’une folle qui croit en des sornettes, qui lit des livres où il est question de naître, de s’affranchir de son passé… Une frapadingue qui court à des conférences entendre des escrocs parler d’amour et de méditation. « C’est quoi ces conneries ? On est comme on est, un point c’est tout. Tu es une idiote idéaliste et moi, j’ai les deux pieds dans la réalité; un point un trait ! ». Il ne se met même plus en colère pour lui cracher au visage.

Au boulot, il est un employé; il n’est pas un homme. Heureusement que les hommes, c’est dans la vie, pas au boulot ! Et vive les heures supp ! Les trop rares week-ends avec le patron. Il doit faire ceci et cela, le mieux possible, et il le fait. mais à la maison depuis quelques temps, il faudrait presque qu’il demande pardon… Mais « Ça va pas non !? Et puis quoi encore !? », il n’a rien à se reprocher, c’est sa femme qui doit changer… Alors… Si elle part, il se tuera après avoir mis le feu à leur domicile. Rien de plus logique apparemment.

© Thierry Aymès

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