« Oisiveté, mère de tous les vices ».
Une fois cette explication offerte, ne pourrait-on pas se souvenir de Rousseau ? A condition de l’avoir lu, pourquoi pas !? C’est dans un ouvrage posthume « Essai sur l’origine des langues » (1781) qu’il nous présente le travail contre-nature. De quoi réjouir et justifier tous les tire-au-flanc du monde. Pour comprendre son point de vue, il convient tout d’abord de connaître l’opposition qu’il établit entre la Nature et l’Histoire.
Contrairement à ses contemporains (Diderot, Voltaire) qui voient dans les progrès des sciences et des arts la preuve manifeste de l’amélioration de l’homme, Rousseau tient cette évolution pour responsable des mots qui l’accablent.
Ne concluons pas pour autant que les sciences et les arts sont mauvais en eux-mêmes ; c’est bien plutôt l’égoïsme et le goût du pouvoir qu’ils véhiculent que Rousseau condamne. Dès lors, plusieurs questions s’imposent : Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle est la nature de l’homme ? Pourquoi l’Histoire ? L e philosophe genevois attribue à l’Histoire elle-même la difficulté d’une réponse à ces questions. En effet, selon lui, l’homme de la Nature est recouvert par l’homme en tant que produit du développement historique, et le désir de connaître l’homme qui s’est littéralement aliéné, qui s’est rendu étranger à lui-même. Pour cette raison, Rousseau émet l’hypothèse purement méthodologique d’un état de Nature intrinsèquement dépourvu de mouvement vers autre chose que lui-même et tâche de saisir, par comparaison, notre état présent.
L’Histoire apparaît dès lors comme le fruit contingent d’un équilibre raté entre l’état de nature et l’homme, rendu possible par une combinaison de transformations de l’environnement dont les causes restent incertaines. C’est sous l’impulsion donnée une fois pour toutes par les circonstances que l’homme perfectible, contrairement à l’animal qui est parfait en son genre, doit inventer son adaptation et entrer contre son gré dans l’Histoire, et l’état de société signifie cette entrée même. « Les passions qui rendent l’homme inquiet, prévoyant, actif, ne naissent que dans la société. Ne rien faire est le première et la plus forte passion de l’homme après celle de se conserver(…) C’est pour parvenir un repos que chacun travaille : c’est encore la paresse qui nous rend laborieux. »
Selon Rousseau, l’homme ne serait donc originellement pas fait pour le travail. Cette dernière activité n’étant que l’enfant légitime d’une déchéance accidentelle qui l’aurait éconduit d’un état comparable à celui d’un Adam préhistorique (avant le péché). N’en voulons pour preuve que la fin vers laquelle un pareil fonctionnement semble orienté : le repos. Nos sociétés de loisirs ne confirment-elles pas de plus en plus ce point de vue ?
© Thierry Aymès