« Attention , la vie , c’est le truc qui passe pendant que l’on multiplie les projets » – John Lennon (1940-1980)
Malgré ça désinvolture toute anglo-seventiesienne, cette citation donne sur une belle profondeur. Sans doute n’est-elle pas originale en elle-même, mais il est toujours bon de se la rappeler. Le Beatles nous met en garde contre cette fâcheuse tendance de tout humain à ne pas habiter le présent, à le désaffecter et à lui préférer un futur pourtant hypothétique où il peut s’imaginer plus heureux.
C’est ICI et MAINTENANT qu’il s’agit d’habiter. « Conscientiser » le seul temps réel, le seul espace où tout advient.
« Le truc qui passe », c’est la vie, « La vie à chaque instant recommencée ». Mais ici, le langage s’avère presque impuissant à nous livrer le sésame recélé, à moins que l’on ait recours à une lecture poétique, une lecture intuitive. La difficulté est en effet de saisir que l’instant n’est pas un moment du temps linéaire, du temps séquentiel. La phrase : « la vie a chaque instant recommencée » nous induit en erreur si elle n’est pas dépassée vers ce qu’elle suggère d’atemporel.
Un instant n’a pas plus de « chaque » que de « recommencement ». À l’instar du point géométrique qui est une « étendue sans espace », nous devons l’envisager comme un « moment sans temps », une pointe sans épaisseur d’où nous tenons notre parenté avec l’éternel ; et l’éternel ne passe pas.
« Aimer la vie » serait donc le remède à notre maladie. « L’aimer » c’est-à- dire, ne plus espérer en un ailleurs plus beau, en un ailleurs sans ombre (ou presque), un ailleurs de zénith. Dès lors, Lennon nous invite-t-il à « dés-espérer » d’un désespoir salvateur, pour rejoindre la source éternellement jaillissante d’un présent amnésique et sans orientation. « Vivons donc le projet de ne plus en avoir », telle est sans doute la seule voie menant à l’immortalité. OHM !
© Thierry Aymès