Jusqu’à ce qu’une nouvelle science ne se lève définitivement dans la deuxième moitié du XXième sous le nom d’éthologie, à en croire les philosophes, la spécificité humaine résidait grosso modo dans la capacité qu’il a à se représenter les choses et à doubler conséquemment la réalité d’une sphère symbolique. C’est ainsi, pensè-je, que de nos jours la quasi-totalité des humains se refuse à se nourrir de ses congénères et certains, beaucoup moins nombreux, du corps de leurs frères animaux, voire de tout ce qui en dérive (végétalisme).
Car l’Homme se nourrit bel et bien d’idées au sens propre.
En blind test, nous parviendrions probablement à lui faire manger son père ou sa mère, mais ce serait à coup sûr impossible si nous l’en informions au préalable. Sans doute les anorexiques refusent-elles -(ils) d’avaler l’idée qu’elles (-ils) se font de la nourriture tout entière et les boulimiques au contraire souhaiteraient-elles (-ils) ingurgiter l’idée qu’ils s’en font indéfiniment.
De même, en amour, refusons-nous l’éventualité d’une relation à cause de telle ou telle image que nous avons de l’autre et de nous-mêmes et de la définition que nous formulons de l’amour.
Reste cependant la possibilité d’une évolution, d’un élargissement des images et des définitions au contact des autres en chair et en os et des lectures. C’est tout le sens de l’éducation étymologiquement comprise comme « conduite hors de soi ». Mais cette évolution ne va pas sans dire et certains lui préfèreront le confort du connu.
La « libération » (plus que la liberté) est tout autant notre lot que notre finitude, mais d’aucuns, semble-t-il, choisissent l’endormissement à l’éveil. L’un ne demande aucun effort, tandis que l’autre est un acte de la volonté (au risque d’être pléonastique). L’on peut tendre vers la liberté (procès de libération) en conformant ses désirs à l’ordre du monde ou prendre acte de notre puissance créatrice et collaboratrice, à tout le moins, du Grand-Oeuvre et rejoindre le foyer incandescent du génésique.
Choisissez votre camp camarades!!
© Thierry Aymès