L’ESSENCE À LA MODE

Sans doute avez-vous entendu maintes et maintes fois le verbe « essentialiser ». Il est de bon ton de l’employer depuis quelques années sur les plateaux télé. Peut-être vous demandez-vous encore ce qu’il veut dire. C’est très simple. Essentialiser consiste à réduire tel ou tel groupe de personnes à un trait de caractère qui semble lui être spécifique ; cela revient à faire de ce trait une essence, c’est-à-dire une réalité prétendue inconstestable faisant partie de son ADN. C’est ainsi qu’aujourd’hui, étant donné l’individualisme libéral qui s’est progressivement développé dans notre pays et ailleurs, il n’est plus possible de dire quoi que ce soit sur les femmes en général, les hétéros, les fonctionnaires, les enfants, les français etc.

Dans la mesure où « essentialiser » équivaut peu ou proue à « généraliser », il n’est plus convenable de penser « en gros »; mieux vaut détailler systématiquement et faire du cas par cas. À l’ère où nous vivons, l’exception ne confirme plus la règle… Elle l’infirme absolument. Mais cette façon de voir les choses ne pose-t-elle pas un problème ? Peut-on penser autrement qu’en généralisant ? À ne considérer que les individus dans ce qu’ils ont de singulier, ne risque-t-on pas de perdre notre capacité à concevoir, gérer, oraganiser ?

À dater d’aujourd’hui, soyez attenfifs et remarquer comme la généralisation est un processus que nous appliquons sans cesse et sans lequel il devient impossible de penser, même le plus simplement du monde.

Un point important : Pour ce qui est de l’essentialisation des peuples, Il est amusant de noter qu’elle n’est unanimement conspuée que dans la mesure où elle est « négative ». Dites des corses qu’ils sont supers et travailleurs, des marocains qu’ils sont sympatiques et accueillants, des allemands qu’ils sont disciplinés, des juifs qu’ils sont supérieurement intelligents, des français qu’ils ont un sens inné pour la très saine contestation et vous verrez qu’aucun reproche ne vous sera fait.

Que conclure de cette évidence ? Rien, puisque en conclure quelque chose serait encore essentialiser dans la mesure où il y a des personnes qui ne permettent sans doute pas l’essentialisation positive non plus. En fait, il n’y aurait que des exceptions à partir desquelles rien ne peut plus être élaboré.

Gouverner un peuple devient impossible, puisque la notion même de peuple procède d’une généralisation. À proprement parler, il n’y a plus de peuple, seulement des individus très différents les uns des autres.

© Thierry Aymès

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