De nos jours, une personne dont vous êtes épris(e), lorsqu’elle parle de vous à son ami(e), ne dit plus : « Elle est amoureuse de moi », mais plus volontiers : « Elle est en demande » et le résultat de cette variation est très logiquement qu’elle ne répond pas à cette demande jugée névrotique. D’accord ou pas d’accord ?
Pour bien comprendre la question que je pose, il faut entendre que la déclaration toute courtoise d’un homme ou d’une femme peut éventuellement être un peu trop vite « interprétée » d’une certaine façon par celui ou celle à qui elle est adressée. Il n’est pas ici question d’une demande sexuelle, mais d’une déclaration élégante qui peut inquiéter son destinataire pour peu que celui-ci ait été échaudé.
Combien de fois ai-je entendu autour de moi des femmes ou des hommes dire d’une personne qui leur avait déclaré leur flamme: « Il ou elle est en demande ! » ; ce qui, de nos jours, semble être envisagé plus souvent qu’auparavant comme le symptôme d’une carence affective. Car peut-être s’agit-il en effet de se suffire à soi-même, d’être en amitié avec soi-même si l’on veut faire une vraie rencontre, et ce faisant, nous donnerions tort à Platon lorsqu’il fait dire à Aristophane (dans « Le Banquet ») que l’être aimant repère en l’autre sa moitié. Ç’en serait fini de ce mythe…
Sans doute l’autre ne devrait-il pas être un « complément », mais bien plutôt un » supplément » ; c’est que nous entendons dire de plus en plus souvent. Encore faudrait-il avoir atteint une auto-suffisance affective sans aigreur qui, en effet, ne nous permettrait plus d’instrumentaliser l’élu de son coeur à des fins de colmatage.
© Thierry Aymès