Pour donner suite à deux textes, à savoir : « Quel leurre est-il ? » et « L’heure du leurre ».
Sans doute, les animaux humains se distinguent-ils des non-humains par le sens qu’ils donnent et ont semble-t-il besoin de donner à la vie pour vivre. De fait, ne pas ou ne plus en trouver les conduit le plus souvent à l’autodestruction, la dépression ou la mort. D’où nous pourrions conclure que le sens donné à la vie pourrait être à son tour une ruse que la vie se donne à elle-même pour se perpétuer. Son propre étant de vouloir persévérer dans son être, sa forme spécifiquement humaine est le sens que nous lui donnons. Bien entendu, ce dernier diffère selon les individus. Telle personne peut vouloir vivre pour voir ses enfants grandir jusqu’à devenir eux-mêmes parents et, pourquoi pas, grands-parents. Elle peut se lever chaque matin pour réaliser son plan de carrière ou diriger une association, quel que soit son objet. Ne pense-t-elle qu’à elle tout au long de la journée qu’elle existe encore sous l’injonction d’un sens dont elle est le centre… Elle peut tout aussi bien s’efforcer de faire advenir dès ici-bas un monde dont elle pense qu’il suivra à coup sûr celui-ci. Nous pourrions multiplie ainsi les exemples à l’infini.
Il est à noter cependant que tout sens est conditionné par son objet et que tout objet fait sens, y compris s’il va contre la vie, non pas de soi, mais d’autrui. D’où telle personne peut se lever volontiers chaque matin dans le but de détruire son voisin, sa femme, les habitants du frontalier, son banquier ou que sais-je encore.
Ainsi sommes-nous des êtres de sens, mais, a priori, de tous les sens.
À y regarder de plus près, si nous ajoutons un paramètre à notre spécificité, à savoir notre « essentielle sociabilité », notre fondamentale « relationalité », peut-être pouvons-nous dès lors concevoir la mise au ban des « objets- faisant-sens » criminels.
En effet, chacun de nous ne s’est premièrement appréhendé et connu qu’à travers le regard de l’autre. Il se pourrait même qu’il ait appris par cœur le discours de cet autre à son endroit. Je suis ce que maman et papa (où toute personne significative) disent que je suis. Dès lors, l’individu n’est-il plus qu’un carrefour, qu’un entrelacs principiel, un « point relationnel » qui plus est imaginaire, bien plus qu’une entité qui ne se devrait qu’à elle-même.
C’est à cette dernière condition que nous pouvons dire que se lever le matin dans le but de détruire quiconque est un dessein criminel et suicidaire à bannir, alors même qu’il fait sens.
© Thierry Aymès