SAINT-PAUL A RAISON

« Qu’as-tu donc qui ne t’ait été donné ? » (1 Co 4.7)

Longtemps avant que je n’apprenne que Saint Paul l’a proclamé vers 55 av J.- C dans sa première épître aux Corinthiens, j’affirmais cela au grand dam des « méritocratistes » qui ne manquaient jamais de faire entendre le lien direct qu’ils établissaient entre réussite sociale, travail et volonté.

Mais en y réfléchissant avec honnêteté, qu’ai-je donc en effet qui ne m’ait été donné ? Rien. Ni ce corps, ni ces dispositions, ni cette volonté… Rien.

Dès lors, m’enorgueillir de ce dont je ne suis pas l’auteur radical (à la racine), n’est rien d’autre qu’un délire appartenant possiblement au registre des troubles mentaux.

Cet homme dont la réussite sociale est éclatante n’a-t-il donc aucun mérite ?

Demandons-nous d’emblée s’il est fondamentalement pour quelque chose dans cette réussite ? S’est-il levé un matin en se disant par exemple, aujourd’hui, je vais être intelligent, beau, talentueux ou volontaire ? Bien sûr que non ! Ces choses-là ne peuvent être voulues.

Vous conviendrez sans doute aisément des 3 premières « qualités » et plus difficilement de la dernière qui, au passage est à la racine de beaucoup d’autres comme la détermination, le courage, la ténacité, la résistance, l’énergie, la force mentale etc.

Or, quitte à nous brouiller avec les adeptes du « Quand on veut, on peut », est-on à même de décider d’être volontaire ? Autrement dit, peut-on vouloir vouloir ? Pour vouloir vouloir, il faut déjà vouloir, et de ce premier vouloir, nous ne sommes pas les décideurs. Dire « je veux » au sens philosophique (et même métaphysique) est donc une forfanterie. Dire : « Quelque chose veut en moi dont je ne suis pas maître ». serait plus précis. Je ne suis pas à l’origine de mon vouloir.

Dès lors, peut-on affirmer qu’être fier de ce que l’on fait relève d’une courte vue et qu’il ne serait pas moins stupide d’être fier de la longueur de son intestin ou de la pluie qui tombe du ciel.

Tout est don, y compris ce qui semble être le produit d’un long travail dans la mesure où ce long travail n’a été possible que grâce à ce qui nous a été donné en amont.

Celui qui ne réussit pas à se faire une place au soleil (si c’est ce qu’il veut) n’y parvient pas dans la mesure où quelque chose ne lui a pas été donné pour ce faire.

Et la liberté dans tout ça ? Bonne question. Peut-être ne s’exprime-t-elle que dans l’acceptation ou le refus de ce qui nous a été donné ou non ?

À approfondir.

© Thierry Aymès

PS : Il paraît évident que certains, dès leurs naissances, sont moins chanceux que d’autres; les héritages génétiques et sociaux sont à la défaveur de beaucoup. Reste alors au politique de régler au mieux ces écarts.

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