20 juin 1936. Cette date vous parle-t-elle ? C’est à partir d’elle que les vacances ont vraisemblablement pris une tournure différente… pour les salariés bien sûr.
Les vacances, du latin vacare, être libre, avoir du temps libre, être inoccupé… C’est à cette étymologie que je m’intéresserai.
Que doit-on entendre par temps libre ? Assurément, un temps où l’on se voit autorisé et sans risque, à sortir d’une contrainte, celle du travail alimentaire, et à suivre notre désir dès lors seul maître de nos journées. Le temps des sacro-saintes vacances est donc très loin d’être… vacant, c’est-à-dire « vide » et la vacuité des vacances n’a évidemment rien à voir avec celle du Tao de Lao Tseu, voici 2500 ans.
Non, elle est l’autre nom du déploiement du désir de chacun en dehors du temps de travail, ce fameux travail dont on sait qu’il signifie originellement « instrument de torture » et dont bon nombre d’entre nous continuent à penser qu’il doit être âpre, épuisant, sous peine de n’être plus que la forme rémunérée d’une passion épanouissante.
La vacuité des vacances est donc pleine, mais pleine de quoi ? Signe-t-on à ce point cette brève période d’oisiveté ? En d’autres termes, sommes-nous les véritables auteurs de ce temps ? En sommes-nous les artistes authentiques ?
Permettez-moi de penser qu’en règle générale, il semblerait que, pour peu que nous en ayons les moyens, nous souscrivions plus exactement à un programme formaté et formatant, et que dans cette mesure, nous soyons là encore sous la coupe d’un dictat insidieux, d’une organisation économique maligne, reprenant à son compte le seul temps où nous pourrions nous affirmer en tant que créateurs.
Au même titre qu’il existe un prêt-à-porter, il existerait dont un prêt-à-vaquer, un stéréotype vacanciers suffisamment vaste pour nous faire accroire que notre choix n’est pas orienté, conditionné.
Bien sûr, certains d’entre vous penseront qu’ils n’appartiennent pas à cette catégorie, mais est-ce si certain ?
Les marchands de vacances existent bel et bien qui nous proposent tel voyage, telle activité distrayante, tel encanaillement. Mais ne peut-on pas voir en eux les fossoyeurs autorisés de notre imaginaire, les prothèses attestées de notre plus intime liberté, celle de sortir des sentiers battus, des autoroutes engorgées du délassement ?
Mieux vaut peut-être et parfois prendre un livre, à défaut d’écrire quelques pages, avec ou sans talent, mieux vaut tenter l’aventure picturale avec ou sans brio que de céder aux miroirs dont nous serions les très obéissantes et inconscientes alouettes.
Manger, boire, faire du sport, aller à des concerts, faire du tourne-retourne pour cacher la fadeur de nos épidermes occidentaux à grand coups d’écrans totaux, ne fera jamais de nous ce que nous sommes depuis longtemps déjà à savoir des homines consommatus (à l’insu de leur plein gré).
© Thierry Aymès