Dans « Du Je au Nous : L’intériorité citoyenne, le meilleur de soi au service de tous », le psychothérapeute Thomas d’Ansembourg écrit ceci :
« La violence n’est pas l’expression de notre nature, elle est l’expression de la frustration de notre nature. »
Que peut-on comprendre à partir de cette citation ?
La nature humaine, selon l’auteur, ne devrait pas s’exprimer par la violence qui n’est que le symptôme d’une frustration dont elle souffrirait. Même décontextualisée, nous pouvons deviner que par ces quelques mots, d’Ansembourg sous-entend que notre nature, lorsqu’elle n’est pas « empêchée », lorsqu’elle peut se déployer harmonieusement, sans trop d’entraves, conduit chacun de nous à se construire par le biais d’un rapport à l’autre envisagé non pas comme un castrateur, mais comme un tuteur sans lequel nous risquons de rester engluer dans notre pulsionnalité ou un vis-à-vis nous contraignant heureusement à nous construire… verticalement, en direction du meilleur de nous-même. Le bon « Moi », le « Moi » véritablement humain, appelé le « Soi » par certains, serait en définitive le résultat d’une sublimation réussie. Ainsi serions-nous invités à passer de la bête à l’ange en faisant l’économie de l’Homme.
Au fond, il y a dans cette affirmation une conviction intime et claire : « L’amour est la réalité première ». Non pas l’amour possessif bien sûr, mais celui qui nous donne le devoir de respecter la personne que l’on dit aimer en ne nous conférant aucun droit sur elle. Or, cet amour, advient le plus souvent avec le temps; c’est un fait.
À moins qu’à lire l’intégralité de son livre, je ne rencontre la nuance que je suis sur le point d’apporter à son propos, je les discuterai en disant ceci :
La nature humaine est une virtualité qu’une vie humaine peut actualiser. La temporalité de cette nature doit à mon sens être prise en compte, sans quoi nous risquons de tomber dans un idéalisme désincarner sans application possible au quotidien. C’est la fameuse « cause finale » aristotélicienne et la téléologie qu’elle implique qu’il faut ici faire entrer en ligne de compte.
La nature humaine n’est pas un fait, elle est un « à-faire » que seul un travail sur soi, une réflexion orientée par une intuition peut activer.
Certes, dans un monde idéal, n’y aurait-il que des Christ, nous en sommes d’accord, mais en réalité, il n’y a que des hommes et des femmes plus ou moins frustré(e)s et donc, il y a violence.
Violence verbale, violence du pouvoir, violence sociale, violence sexuelle etc., et toutes, à mon sens, ne manifestent qu’une seule et même chose, notre difficulté à renoncer au « Je » pulsionnel, au « Je » agi par la pulsion de vie la plus reptilienne, pour élaborer un « Nous »… pour faire civilisation. Ce « Nous » n’étant en définitive que l’Esprit-Saint (au sens laïque) libéré des entraves égotiques les plus réflexes.
Préférer « la relation » à « soi », suppose un long processus alchimique de transformation nécessitant un vécu qui, à bien y regarder, est toujours parcouru de violences. Celle qui nous intéresse, à savoir la violence conjugale (et/ou familiale) n’est qu’une modalité de la violence inhérente à notre double nature, à la fois pulsionnelle et « humaine » au sens fort, c’est-à-dire « spirituelle ».
La seule violence légitime est celle qui nous permet de nous arracher à la penser commune (la Doxa), mais aussi à la cristallisation d’un Moi édifié sur des bases essentiellement instinctives.
C’est de la naissance procédant de cette légitime violence que nous devons tous nous inquiéter au sein d’une société qui va à rebours de cet envol en ne s’adressant le plus souvent qu’à notre ventre.
® Thierry Aymès