JEAN-YVES LELOUP EN PRÉFACE

Le 17 août 2015, cinq jours après que je lui eus envoyé mon manuscrit intitulé : « Sous la mémoire » par mail, le Père orthodoxe Jean-Yves Leloup dont j’ai tout de suite aimé la lumière me fit grâce d’une préface qui me réjouit.

« Thierry Aymès est sans doute ce que les « anciens » appelaient un « vrai philosophe » ; quelqu’un qui ne se contente pas de spéculer sur le Réel, mais s’y affronte et se transforme à son contact, ou encore un « philosophe artiste » à la manière de Nietzsche, qui se méfie des concepts pour mieux éprouver ses affects et ses percepts. Son témoignage est personnel et particulier, il ne prétend ni à la vérité ni à l’universel.

Dans un style à la fois léger, concret et profond, qui est peut-être le style des très grandes chansons, il nous introduit à ce qu’on pourrait appeler une « ontologie du dérisoire », ou encore une « phénoménologie » du sourire, de la caresse et de la bise…

Dans la proximité de la mort et de l’abime de silence que chacun porte en soi, il nous montre « la vulgarité de tout savoir » et l’intensité divine du moindre détail : la Présence de l’Instant, qui échappe aux nostalgies du passé et aux projets de l’avenir, et nous plonge dans ce que certains appellent : « la Vie éternelle », la Vie tout court, ou le « non-temporel », qui n’est pas un « arrière monde » mais l’intériorité même de ce monde.

La vie est un océan dont nous connaissons très bien les écumes et dont nous ignorons presque parfaitement la profondeur. Le rôle de l’animateur en Ehpad, pour Thierry Aymès n’est pas de nous distraire du Réel, mais de revenir en Sa présence et de découvrir sous ses apparences fiévreuses et chancelantes, l’étrange gratuité de la Vie qui se donne.

Regarder la mort en face comme on regarde la violente beauté de certains « couchers » du soleil ! Il est donc possible d’être lucide sans être désespéré, d’être croyant sans être imbécile, Thierry Aymès nous épargne les discours pieux et les refrains pathétiques sur l’absurdité de notre existence.

Bien sûr, la vieillesse ou plutôt « les vieux », chacun avec son nom propre, la maladie ou plutôt, la Parkinson, l’Alzheimer, chacune avec ses pathologies propres, restent à penser et je m’étonne que peu de philosophes, à l’instar de Thierry Aymès ne s’y emploient. On pourrait alors discuter ou « disputer » les mots d’Henri Bergson : « conscience signifie d’abord mémoire »point de conscience sans mémoire ; est-ce si sûr ? La conscience est-elle toujours conscience de quelque chose ? Ne pas avoir conscience de quelque chose, passée ou à-venir, est-ce nécessairement être inconscient ou sans conscience ? La pratique de la méditation ne conduit-elle pas à une « conscience » sans objet, à une joie sans objet, à un amour sans objet ? dont l’Alzheimer serait le versant sombre ?

De même qu’on a pu dire que le schizophrène et le mystique nagent dans les mêmes eaux, mais là où l’un nage, l’autre se noie. Pourrait-on dire que la maladie d’Alzheimer nous conduit dans des états de conscience, « sans mémoire, sans projection de passé et de l’avenir », proche de la pure présence que connaît le Sage. Mais là, où l’un goûte la pure conscience sans objet, conscience de la conscience, l’autre demeure inconscient, « être en soi », sans être pour autant réductible à une chose ou à un objet ? Il nous faudra sans doute beaucoup de silence pour comprendre le silence de certains malades, ne pas se hâter de traduire ce qu’en se taisant ils ne cessent de dire.

Le livre de Thierry Aymès contient aussi un bel éloge des aides-soignantes et de tout le personnel de l’Ehpad qu’il a connu, et on aimerait à penser que tous, lui soient semblables, c’est là, acte de justice ; rendre à ces personnes l’honneur qui leur est dû. Ce sont elles les témoins de la vraie gloire, loin de celles des néons (des néants).

La vie donnée est bien celle qu’on ne peut plus nous prendre. L’Amour est la seule réalité qui soit plus forte que la mort, c’est le seul Dieu qui ne soit pas une idole, et il se révèle dans les gestes de la plus triviale attention.
Merci à Thierry Aymès de nous avoir donné à voir et à entendre, des hommes et des femmes si singuliers (nul ne doute de leur ‘ipséité’), ‘heureux de se courber, beaux comme des milliers de matins’ « 

Merci à lui.

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