Pour ce qui est du lâcher-prise tellement à la mode de nos jours, deux mots. À cette notion qui résonne désormais comme une injonction et qui vient immanquablement du bouddhisme, je préfère celle d’abandon.
Alors que le lâcher-prise est relégué au rayon des thérapies, autrement dit du commerce, et nous indique le chemin vers un ego que nous aurions un temps délaissé, nous oriente vers une renarcissisation salutaire que l’acte paradoxal de « faire la planche » favoriserait, l’abandon quant à lui suppose une volonté, une maîtrise de soi inflexibles et… Une altérité. Entendez par là que l’abandon se fait toujours dans la direction d’un « prochain » et atteste du lien essentiel à l’autre qui nous structure, tandis que le lâcher-prise constitue une sorte d’effondrement sur soi que vantent les professionnels du bonheur.
Au 18ième siècle, le bonheur fut promu au rang de droit, aujourd’hui par un effet pervers lié à la dimension consumériste de notre société, il est devenu un « dogme, un catéchisme collectif » (Pascal Bruckner) auquel nous serions tenus de sacrifier.
Ne lâchez pas prise les ami(e)s, en lâchant prise vous vous soumettez à l’idéologie dominante qui nous décrit indépendants les uns des autres, à l’instar de ces T-shirts imprimés « 100% moi ». Nous ne sommes que « relation », l’individu est un mythe qui profite aux marchands.
© Thierry Aymès