Par-delà les querelles d’écoles, la psychanalyse est avant tout l’art d’écouter (d’analyser) la psyché humaine dont il y a tout lieu de croire qu’elle est trouée par une zone d’ombre, un continent noir, « l’Inconscient », inconnaissable directement, et qui se manifeste de différentes façons. Elle s’édifie donc sur la base d’une foi en une zone « interdite de cité » tenue, pour partie, responsable de perturbations psychiques et dont il s’agit de découvrir le visage par le biais d’un travail commun, essentiellement fondé sur le langage, entre une personne demandeuse et son analyste.
De Spinoza à Lacan, en passant par Schelling, Schopenhauer, Nietzsche, Hartmann, Freud, Jung et autres Françoise Dolto, le concept d’Inconscient pose avant tout le sujet (au sens large), comme second d’un processus, et le condamne à n’être pas capable de transparence vis à vis de lui-même, tout en nous contraignant à repenser la notion même de Liberté.
Je sais clairement QUE je suis, mais je ne sais pas QUI je suis.
Je précise que je ne suis d’aucune école; les écoles avec leur prétention totalisante leur foi en une clef universelle m’ont toujours paru suspectes et les rivalités entre elles ont a mes yeux des airs de sectarisme dont je me méfie. J’ai toujours préféré le maquis à la soutane.
Les psychanalystes ne détiennent pas la vérité et je m’efforce de manier certains de leurs concepts (celui de résistance et même de transfert ) avec la plus grande précaution. D’autre part, face à certains philosophes platonisé(e)s, nietzschéisé(e)s, heideggeré(e)s ou en un mot endoctriné(e)s, je me plais régulièrement à évoquer la parabole des « 4 aveugles et de l’éléphant »:
Quatre aveugles s’assemblèrent un jour pour examiner un éléphant. Le premier toucha la jambe de l’animal et dit : « L’éléphant est comme un pilier. » Le second palpa la trompe et dit : « L’éléphant est comme une massue. » Le troisième aveugle tâta le ventre et déclara : « L’éléphant est comme une grosse jarre. » Le quatrième enfin, fit bouger une oreille de l’animal et dit à son tour : « L’éléphant est comme un grand éventail. « Puis ils se mirent à se disputer sur ce sujet. Un passant leur demanda la raison de leur querelle ; ils la lui exposèrent et le prirent comme arbitre. L’homme déclara : « Aucun de vous n’a bien vu l’éléphant. Il n’a pas l’air d’un pilier mais ses jambes sont des piliers ;il n’a pas l’air d’un éventail, mais ses oreilles éventent ;il n’a pas l’aspect d’une jarre, c’est son ventre qui y ressemble ;il n’est pas une massue, c’est sa trompe qui est semblable à une massue. L’éléphant est une combinaison de tout cela : jambes, oreilles, trompe et ventre. » Ainsi se querellent ceux qui n’ont vu que l’un des aspects de la Divinité.
J’ajoute que je ne considère pas sainte Thérèse Lisieux comme une anorexique mentale à tendance hystérique, que la notion de divin ne me paraît pas dériver d’une névrose quelconque et que l’art me semble susceptible d’être autre chose qu’un acte sublimatoire potentiellement facultatif.
Convaincu que ce qui manque le plus à bon nombre d’entre nous est la possibilité de s’exprimer en toute liberté et de confronter à un autre que soi son discours intérieur, je ne propose a priori rien de plus qu’une écoute ouverte, sans jugement, et pense qu’elle suffit bien souvent à faire émerger ce qui doit émerger et qui, en émergeant nous déleste.
Mon travail s’inspire donc d’un syncrétisme philosophico-psychanalytique possiblement mis entre parenthèse en fonction de la personne qui est entrée dans mon cabinet.
© Thierry Aymès (05/02/2013)