Attention , la vie , c’est le truc qui passe pendant que l’on multiplie les projets. (John Lennon)
Malgré sa désinvolture toute anglo–seventiesienne, cette citation donne sur une belle profondeur. Sans doute, de nos jours, n’est-elle pas originale en elle-même, mais il est toujours bon de se la rappeler.
Le Beatles nous met en garde contre cette fâcheuse tendance de tout humain à ne pas habiter le présent, à le désaffecter et à lui préférer un futur pourtant hypothétique où il peut s’imaginer plus heureux.
C’est ICI et MAINTENANT qu’il s’agit d’habiter. « Conscientiser » le seul temps réel, le seul espace où tout advient.
« Le truc qui passe », c’est la vie ; « la vie à chaque instant recommencée ». Mais ici, le langage s’avère presque impuissant à nous livrer le sésame recélé, à moins que l’on ait recours à une lecture poétique, une lecture intuitive. La difficulté est en effet de saisir que l’instant n’est pas un moment du temps linéaire, du temps séquentiel.
La phrase : « la vie a chaque instant recommencée » nous induit en erreur si elle n’est pas dépassée vers ce qu’elle suggère d’atemporel. Un instant n’a pas plus de « chaque » que de « recommencement ». À l’instar du point géométrique qui est une « étendue sans espace », nous devons l’envisager comme un « moment sans temps », une pointe sans épaisseur d’où nous tenons notre parenté avec l’éternel ; et l’éternel ne passe pas.
« Aimer la vie » serait donc le remède à notre maladie. « L’aimer » c’est à dire, ne plus espérer en un ailleurs plus beau, en un ailleurs sans ombre, un ailleurs de zénith.
Dès lors, Lennon nous invite-t-il à « dés-espérer » d’un désespoir salvateur, pour rejoindre la source éternellement jaillissante d’un présent amnésique et sans orientation.
« Vivons donc le projet de ne plus en avoir », telle est sans doute la seule voie menant à l’immortalité. OHM !
© Thierry Aymès (2009)