« P » COMME PHILOSOPHIE

Qui a dit que la philosophie était “chiante” ?!

Beaucoup de gens autour de moi, beaucoup de candidats au baccalauréat. La philo a la réputation de ne servir à rien et d’être trop “prise de tête” selon l’expression désormais consacrée des jeunes et moins jeunes découragé(e)s par cette citadelle imprenable et surprotégée par des individus manifestement imbus d’eux-mêmes.

Il n’est que de voir à la télé certains d’entre eux pour finir d’en être convaincus; et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ne parlent-ils pas un langage d’un autre âge ? Ne donnent-ils pas l’impression de s’écouter parler au point d’en devenir ridicules ? Chacun affublé, comme il se doit, d’une veste de costume qui vient symboliser le sérieux de leur discipline, ils parlent de tout, ont réponse à tout, tout le temps, parlent un français sans faille et vous signifient humblement leur supériorité à chaque virgule. C’est qu’ils ont appris à penser…Entendez par là, qu’ils ont surtout acquis cette faculté majeure aujourd’hui qui consiste à donner l’impression de penser alors qu’ils ne pensent pas; Platon je crois, la dénonçait déjà en son temps sous le nom de “sophistique”.

Mais “penser”, n’est-ce pas créer ?

“Méfiance” donc sera mon maître mot; et pour paraphraser Vladimir Jankélévitch dans “Quelque part dans l’inachevé” je me permettrai d’écrire ceci:

“Le philosophe peut bluffer sans vergogne et nous faire prendre pour de la pensée ce qui est une simple récitation d’école et un chapelet de stéréotypes subtilement articulés les uns aux autres et studieusement ressassés et rapetassés. Les études de philosophie n’enseigneraient-elles, somme toute, que l’art-d’avoir-l’air ? C’est la question que l’on est en droit de se poser. Comment paraître penser quand on ne pense pas ? Comment parler quand on a rien à dire ? C’est le grand festival des tricheurs.”

Embourbé(e)s semble-t-il dans les centaines de livres qu’ils disent avoir lus dans leur exhaustivité (ce dont je doute), ils ou elles apparaissent plutôt comme une nouvelle génération d’aristocrates flirtant avec une carrière politique en même temps qu’avec le milieu du “showbiz” et soucieux avant tout de conserver leurs privilèges. L’un est à la tête de ceci, l’autre à la tête de cela; chacun d’eux voit immédiatement publié le moindre trait produit. Quelle aubaine! Et la sagesse bordel !!? Qu’en font-ils ces mignons coquillons, ces jolis tend-la-bite emparisiannés ?

Le “mépris du peuple” est sans doute le sentiment qu’ils éprouvent le plus sûrement; leurs concours et leur diplômes, l’arme qu’ils choisissent à coup sûr pour vous disqualifier.

© 2009 THIERRY AYMES

L’ILLUSTRE INCONNU

Il y a depuis toujours ce que j’appelle la « force d’inertie psychologique ». Elle nous emporte longtemps après que nous avons appuyé sur la pédale de frein. Il ne suffira pas d’en prendre conscience. La magie n’existe que spectaculaire, à moins qu’un miracle ne survienne… Elle n’opère pas au double sens de ce terme.
Notre enfance est le plus souvent une boue qui reste collée à nos basques jusqu’au tombeau. Nous ne vieillissons qu’en surface. Pour les autres, beaucoup… Et si peu à nos propres yeux.
Avez-vous dû mériter l’amour de vos parents que vous ne comprendrez pas qu’une personne dise vous aimer pour ce que vous êtes. Vous n’aurez de cesse de lui demander : « Mais que suis-je donc, si je ne suis pas ce que j’ai fait ? si je ne suis pas « ce que j’ai fait de moi » pour résister au chantage, à la menace dont j’ai d’emblée été l’objet ?». Oui, vous avez bien lu. À l’aube même de votre existence, vous avez été l’objet d’une pression, à l’origine même de votre vie.
À peine né, vous avez risqué l’abandon. Alors… Très tôt, vous avez alterné entre docilité et révoltes. Vous avez plus ou moins tardivement collectionnés les bons points et rué dans les brancards en criant le plus fort possible que l’amour, le vrai, ne se méritait pas, que la personne qui vous aimerait devrait supporter vos accès de fièvre, et qu’en un sens, elle devrait… vous mériter.
Au nom de votre peur de l’abandon, il vous est arrivé maintes fois de le risquer. Fatigué de vous construire à partir de plans dont vous n’étiez pas l’architecte, combien de fois avez-vous hurlé : « Tapis ! » à la façon d’un pokerman qui ose le tout pour le tout.
Mais en mettant à l’épreuve l’élu(e) de votre cœur meurtri, vous avez ; l’air de rien, répété le schéma originel à partir duquel vous vous êtes bricolé… pour vieillir de travers. Jusqu’à ce jour, votre identité n’aura été que de compensation.
Vous vous prendrez, ad aeternam peut-être, pour les efforts que vous aurez faits pour mériter l’amour de quiconque. Vous direz l’air de rien : « Je suis mes diplômes, mes médailles, les livres que j’ai lus, ceux que j’ai écrits, les langues que j’ai apprises, celles que j’ai inventées. » et dans un même temps, vous enverrez paître toute cette quincaillerie, cette pacotille tellement commode aux imbéciles.
À ce propos, j’ai été récemment éconduit par un agrégé de lettres hors-classe, latiniste, docteur en philosophie, intervenant sur France Culture, chroniqueur occasionnel chez Médiapart et… Auteur-compositeur-interprète dont je ne révèlerai même pas les initiales. Il pourrait le prendre mal (LOL). J’ai eu le tort de ne pas le connaître et de lui dire que ses chansons avaient quelque chose qui demanderait à être plus abouti.
Ni une ni deux, le bonhomme a réagi par une émoticône rieuse aux éclats et m’a bloqué à la façon de n’importe quel adolescent. J’avoue que je n’en avais jamais entendu parler et qu’il en était, selon ses dires, à son quinzième album.
En l’occurrence, force est de constater que l’érudition et la culture ne l’ont pas rendu humble (ce n’est d’ailleurs pas là leur fonction première) et ne fait que crier : « Regardez comme je suis brillant et malheureux ? Donc… Aimez-moi ! » (Descartes revisité par un enfant mal-aimé ). Sur son Wikipédia, il est précisé qui est politiquement engagé à gauche, comme beaucoup d’élitistes qui, bien évidemment, ne se reconnaîtront pas. Ce Monsieur sait-il que ce qui brille n’éclaire pas ?

©Thierry Aymès

L’ESSENTIALISATION EN QUESTION


Pour ce qui est du processus de généralisation qui semble ne plus être en odeur de sainteté, à mon sens, sans lui nous serions embourbés dans des cas particuliers du matin au soir et ne pourrions jamais rien « penser »; conséquemment nous ne serions plus à même de décider quoi que ce soit.

Contrairement à un psy, quand, par exemple un homme politique (ou une femme) commence à penser « individu », il est cuit. Idem s’il commence à faire un peu trop allégeance à telle ou telle communauté.

Je sais bien que la mode est à la singularisation, qu’il ne faut pas « essentialiser » et j’accède depuis toujours à cette tendance dans mon cabinet où je travaille le plus souvent en « one to one », tout comme le fait un curé dans son confessionnal, mais il me paraît important de repérer des constantes au sein de certaines populations pour mesurer précisément tel ou tel cas particulier.

J’ajoute que penser implique une capacité à conceptualiser, or conceptualiser consiste en un dépassement des particularités pour s’élever jusqu’aux points communs qui permettent de ranger tel ou tel fait (telle ou telle chose) dans une classe. La généralisation est une très proche cousine de la conceptualisation donc, pour ne pas dire qu’elle en est le synonyme. 

© Thierry Aymès

LA SEULE CHOSE

À un ami qui, me parlant de sa fraîche séparation d’avec sa compagne, me disait : « La seule chose que je lui reproche est son cloisonnement », j’ai répondu ceci :

Cette seule chose que tu lui reproches est plus importante que tu ne crois ; elle est sans doute révélatrice de ton fonctionnement amoureux, et à ce stade de votre relation, il est peut-être bon que tu t’interroges sur lui comme tu l’as sans doute déjà fait de très nombreuses fois par le passé. 

Plusieurs questions me paraissent intéressantes :

–          Ne souffres-tu pas de l’impuissance que tu éprouves à ne pas pouvoir la décloisonner ?  N’es-tu pas plutôt fâché d’échouer à faire en sorte qu’elle te fasse confiance et te le prouve en te livrant jusqu’à sa plus impartageable intimité ?  (possiblement impartageable d’être insue d’elle-même en premier lieu).  En ce sens, n’est-ce pas ton orgueil qui est touché ? 

–  Pourquoi es-tu confronté à cette situation  plutôt que d’attendre patiemment de rencontrer une personne avec qui tu n’aurais pas à faire cet effort ?

– N’aurais-tu pas inconsciemment le sentiment de te sauver toi-même en t’évertuant à extraire l’autre de son marasme intérieur, cette extraction dût-elle être réalisée avec violence, c’est-à-dire sans le consentement réel de l’autre ? 

–  En croyant être dans la capacité de sauver l’autre de lui-même, ne te poses-tu pas en « sachant »  et ainsi, ne cherches-tu pas as affirmer ta supériorité ?

– Outre cette séparation-éloignement que tu tentes de réduire, ne désires-tu pas inconsciemment te laver d’une faute que tu aurais commise fantasmatiquement ? 

– N’as-tu pas du mal avec ce que son attitude suppose de solitude dans la mesure où elle te renvoie insupportablement à la tienne ?

– Ne t’entêtes-tu pas à penser que nous pouvons sauter par-dessus la ligne infranchissable de notre solitude essentielle ?

Permets-moi de ne répondre qu’aux deux dernières questions ?

Il se pourrait que ce que tu souhaites principalement, c’est qu’il n’y ait plus de cloison, plus aucune barrière entre ton amie et toi, plus de secret, aucune zone d’ombre.  Ce que tu rechercherais serait donc la fusion et, ce faisant, la disparition de ce qui fait qu’il y a elle et toi, et que chacun vit en lui-même, comme inexpugnablement séparé de l’autre. 

Le problème, c’est qu’avec la fusion, on tend à faire disparaître l’autre en tant qu’autre, alors que c’est précisément en tant qu’autre que cet autre a déclenché notre élan vers lui.  C’est donc contradictoire. 

Vouloir ne faire plus qu’un avec celle que l’on aime est une impasse en ce que ce n’est que pour autant qu’elle est autre qu’elle est censée nous sauver de notre solitude.  C’est conséquemment en laissant l’autre où il se trouve, à savoir, dans son autreté, que nous pouvons envisager une véritable histoire d’amour. 

Il nous faut donc prendre acte préalablement de cette indépassable solitude comme condition sine qua non de toute rencontre digne de ce nom sans quoi…

En poussant le bouchon un peu plus loin, j’ajouterai qu’à mon sens, « aimer sa solitude » et « s’aimer dans sa solitude » est hautement souhaitable si nous ne tenons pas à être dépendants du regard aimant d’autrui et condamnés à ne l’aimer que pour autant qu’il nous aime en premier.  Sans cela, nous ne pouvons aimer que de façon intéressée et dans l’espoir de pouvoir continuer à contempler notre beauté dans ses yeux.  C’est donc une manière d’aliénation.  Celui qui est capable d’amour véritable l’est conséquemment de façon gratuite et désintéressée dans la mesure où il entretient avec lui-même une relation d’amitié et que l’autre n’est pas envisagé comme un moyen destiné à lui insuffler ce bon amour-propre sans lequel il est tellement difficile de vivre.

Aujourd’hui, il semblerait cependant que tu repères en ton amie l’occasion de réparer ta supposée complétude initiale ?  Cette façon d’aimer est très répandue, tu le sais aussi bien que moi.  Mais alors, n’est-elle vouée qu’à te compléter et n’est-elle envisagée qu’en tant qu’instrument de cette opération.  Or, tu le sais pour l’avoir lu ça et là, l’autre, quand on l’aime, ne doit pas être instrumentalisé, en théorie (Voilà que je moralise la question).  Qui peut se vanter de ne pas aimer ainsi ?! 

Le fusionnel voit en l’autre le « grand réparateur » d’une « blessure originelle », et pour parler clair, quel est le véritable nom  de cette blessure ?  La séparation évoquée un peu plus haut; cette séparation qui nous condamne tous à une insupportable solitude.  Elle est pourtant notre lot.  Nous commençons par être expulsés du ventre de notre mère et nous poursuivons en enchaînant une infinité d’étapes vers une autonomie de plus en plus grande.  Tous les grands maîtres spirituels nous exhortent à assumer cette réalité si nous voulons grandir, et ce n’est pas une mince affaire. 

© Thierry Aymès

MISS HALL

Si d’aventure, il vous est arrivé de dire sur un ton solennel que, tout comme Voltaire, et en pur républicain hyper-tolérant, vous vous battriez pour qu’une personne avec laquelle vous n’êtes pas du tout d’accord puisse continuer à exprimer ce qu’elle pense, sachez que ce cher Voltaire n’a jamais écrit cela et que si de nos jours, ce cher philosophe genevois et systématiquement cité pour défendre une totale liberté d’expression, c’est en définitive à une certaine auteur(e) anglaise Miss Evelyn Beatrice Hall (pseudo = S. G. Tallentyre) que nous devons cette expression avec laquelle nous pouvons néanmoins être d’accord, mais en cessant de l’attribuer à Monsieur François-Marie Arouet.

Dans son ouvrage intitulé : « The Friends of Voltaire », Miss Hall commet l’erreur d’écrire une phrase entre guillemets alors qu’elle n’est que son œuvre à elle :  » I wholly disapprove of what you say and will defend to the death your right to say it. »

L’auteur(e) britannique a ainsi tenté de résumer la pensée de Voltaire au moment de sa prise de position dans la fameuse affaire Helvétius, l’un des philosophes qui contribua à L’Encyclopédie. Son livre, « De l’Esprit », irrita profondément Voltaire qui qualifia le texte de « fatras d’Helvétius » dans une lettre à de Brosses du 23 septembre 1758 – MAIS il lui apportera son soutien face aux attaques virulentes dont il sera victime après la parution de son ouvrage.

Il est vrai que, dans ce contexte, la phrase prêtée à Voltaire ne paraît pas dépasser sa pensée, mais de là à la systématiser…

Voilà, vous savez tout.

© Thierry Aymès

ILLUSOIREMENT

Quand un cœur ne bat pour un autre que d’être aimé par cet autre, il est inévitable que le lien qui en découle tienne plus de l’attachement que de l’amour véritable. « Je m’attache à toi parce que tu m’aimes et que j’ai besoin de toi pour me voir beau » dit celui dont le cœur, resterait immobile sans l’amour qu’il reçoit.
En cas de rupture, celui qui s’est attaché panique, devient agressif ou violent parce qu’il est dépendant du regard d’autrui pour s’aimer. Un véritable amour (très rare) n’est possible que pour les êtres qui s’aiment suffisamment eux-mêmes et qui, partant, n’instrumentalisent pas l’autre pour y parvenir toujours… Illusoirement.

© Thierry Aymès

LE BONHEUR CHEZ ARISTOTE !


Le Bonheur est un bien qui se suffit à lui-même. (Aristote).
Ouf ! Le bonheur existerait donc bel et bien. Avouons qu’il nous arrive souvent d’en douter; cependant sachons que, contrairement à ce que son étymologie nous suggère (bon-heur = bonne chance), à savoir qu’il serait à espérer comme l’on espère le gros lot, il pourrait bien se faire que nous soyons condamnés à le vouloir avec une détermination inflexible et non à le recevoir comme l’on reçoit la manne céleste.. Disons même avec force que c’est ce que Aristote tient à nous faire comprendre.
Le Bonheur est recherché pour lui-même. Tout ce que nous faisons, nous le faisons dans le but d’être heureux, c’est l’unanime théorie des eudémonistes de l’antiquité grecque. Alors que chacune de nos activités, chacun de nos projets n’est qu’un moyen pour atteindre le Bonheur, alors que chacun de nos efforts ne tient sa valeur et son sens que de cette destination ultime, le Bonheur lui est une fin en soi qui dès lors ne tend vers rien d’autre que lui-même et…à proprement parler ne sert à rien. Il est la fin suprême. Toutefois, il ne s’agit pas de le chercher n’importe où et n’importe comment. Celui qui pense le trouver en choisissant de vivre le plus souvent possible les plaisirs de la chair se trompe. De même celui qui court après la célébrité. Encore faut-il qu’il active et pratique assidûment ce pour quoi il est fait.
Pour bien comprendre, demandons-nous pour commencer quelle est la fin dernière de l’oreille par exemple ? Quelle est sa spécificité ? Autrement dit, pour quoi est-elle faite ? Pour entendre répondrez-vous, et vous aurez raison. Et une oreille qui entend, ou plus exactement une oreille qui permet à tel individu d’entendre, réalise sa fonction à la perfection, répond excellemment à sa spécificité.
Demandons-nous à présent quelle est la fin dernière de l’homme. Pour répondre à cette question, nous devons donc rechercher sa spécificité, et, si nous devons en croire Aristote, elle n’est autre que le fait d’être un vivant rationnel. Entendons par là qu’il possède la Raison. Certes a-t-il d’autres qualités, mais il les partage avec les animaux, et en tant que telles, elles ne sont pas sont propre. S’il veut être heureux, il devra donc s’employer à activer ce pour quoi il est spécifiquement fait, à savoir sa Raison.
Ajoutons à cela que la Raison a deux façons d’être active : elle peut d’une part se livre à la pure connaissance autrement appelée théoria, et d’autre part, régler l’action humaine que le philosophe divisera à son tour en action productrice (poièsis) dont la fin sera extérieure à l’agent (dans l’art et la technique) et en action pure (praxis) qui aura sa fin en elle-même (l’amitié par exemple) ; le tout régi par la vertu quant à elle acquise par une ferme disposition à bien agir et qui consiste en un juste milieu déterminé par la Raison de l’homme prudent. Si donc vous tenez toujours à être heureux, vous savez à présent que le bonheur se gagne durement. A bon entendeur salut !
Thierry Aymès

LE 06/04/2021 (Souvenir)

Quand même les chiffres sont réfutés parce qu’incertains selon que l’on se trouve d’un côté ou de l’autre du clivage partisan (droite/gauche), que nous reste-t-il, si ce n’est notre misérable intime conviction ? Quand il ne nous est plus possible de faire confiance en une source, à quoi sommes-nous acculés, si ce n’est à ne croire que ce que l’on vit, qu’à ce que l’on voit ?

Un nouvel obscurantisme gagne progressivement nos esprits dont l’origine est désormais à chercher du côté d’une science inféodée au politique. Nous ne savons plus rien, réduits que nous sommes à croire tel ou tel discours en fonction de notre structure mentale et notre parcours personnel. La société tout entière est atomisée par les informations contradictoires et la peur que les médias distillent quotidiennement. Chacun se rive à lui-même sans possibilité de rendre crédible ce qui ne sera jamais que son opinion. « Quelles sont tes sources ? » est la question que l’on entend souvent sur les plateaux, chacun des polémistes pensant être en possession des statistiques les plus sérieuses.

Peut-on désormais rappeler que 90 % des médias appartiennent à deux poignées de multimillionnaires sans être illico traité de complotiste ? Et si vous en convenez, pensez-vous réellement que cet état de fait soit sans conséquences sur les informations qui nous parviennent ?

Il y a longtemps que les journalistes ne nous renseignent plus sur la réalité; cela fait bien longtemps qu’ils la créent (plus ou moins consciemment), et relayent à leur « demi-insu » une volonté politique qui nous conduit inexorablement où nous en sommes.

© Thierry Aymès

J’ATTENDS

J’aurai peut-être attendu toute ma vie.

Attendu quoi ?

Qu’un autre me libère.

De qui ?

De moi bien sûr. De cette attente même. De cette attente que je suis. C’est grave docteur ?

Sans doute un peu oui. Et au passage, je ne suis pas docteur. J’attends comme beaucoup d’autres le miracle d’une relation. D’une vraie. Le miracle d’un miracle. On n’existe jamais que dans le regard d’un amant, quitte à l’être soi-même… Par défaut. Il ne faut pas croire ce qu’on vous raconte.

Mais quand arrivera-t-il ?

Quand vous ne l’attendrez plus.

Ça me fait une belle jambe ! On peut lire ça un peu partout sur Facebook et Instagram.

C’est déjà ça.

Je vous dois combien ?

Ce que vous voulez. Vous le savez bien. Je suis médéanimiste.

® Thierry Aymès

LE PAUVRE !

Il y a depuis toujours ce que j’appelle la « force d’inertie psychologique ». Elle nous emporte longtemps après que nous avons appuyé sur la pédale de frein. Il ne suffit pas d’en prendre conscience. La magie n’existe que spectaculaire (à moins qu’un miracle ne survienne…). Elle n’opère malheureusement pas au double sens de ce terme.

Notre enfance est le plus souvent une boue qui reste collée à nos basques jusqu’au tombeau. Nous ne vieillissons qu’en surface. Pour les autres, beaucoup… Et si peu à nos propres yeux.

Avez-vous dû mériter l’amour de vos parents que vous ne comprendrez pas qu’une personne dise vous aimer pour ce que vous êtes. Vous n’aurez de cesse de lui demander : « Mais que suis-je donc, si je ne suis pas ce que j’ai fait ? si je ne suis pas « ce que j’ai fait de moi » pour résister au chantage, à la menace dont j’ai d’emblée été l’objet ?». Oui, vous avez bien lu. À l’aube même de votre existence, vous avez été l’objet d’une pression, à l’origine même de votre vie.

À peine né, vous avez risqué l’abandon. Alors… Très tôt, vous avez alterné entre docilité et révoltes. Vous avez plus ou moins tardivement collectionnés les bons points et rué dans les brancards en criant le plus fort possible que l’amour, le vrai, ne se méritait pas, que la personne qui vous aimerait devrait supporter vos accès de fièvre, et qu’en un sens, elle devrait… vous mériter. Les neurones miroirs sont-ils responsables de cette fatalité ? Les neurosciences en seraient sans doute d’accord pour partie.

Au nom de votre peur de l’abandon, il vous est arrivé maintes fois de le risquer. Fatigué de vous construire à partir d’un plan dont vous n’étiez pas l’architecte, combien de fois avez-vous hurlé : « Tapis ! » à la façon d’un pokerman qui ose le tout pour le tout. Mais en mettant à l’épreuve l’élu(e) de votre cœur meurtri, vous avez bel et bien ; l’air de rien, répété le schéma originel à partir duquel vous vous êtes bricolé… pour pousser de travers. Jusqu’à ce jour, votre identité n’aura été que de compensation.

Vous prendrez-vous, ad aeternam peut-être, pour les efforts que vous aurez faits pour mériter l’amour de quiconque ? Direz-vous à jamais : « Je suis mes diplômes, mes médailles, les livres que j’ai lus, ceux que j’ai écrits, les langues que j’ai apprises, celles que j’aurais tant aimé inventer. » ? et dans un même temps, enverrez-vous paître toute cette quincaillerie, cette pacotille, ce bazar tellement commode aux vrais imbéciles ?

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À ce propos, j’ai été récemment éconduit par un agrégé de lettres hors-classe, latiniste, traducteur multilingue, très certainement analysant lacanien, docteur en philosophie, intervenant sur France Culture, chroniqueur occasionnel chez Médiapart et… Auteur-compositeur-interprète dont je ne révèlerai même pas ici les initiales. Il pourrait le prendre mal (LOL). J’ai eu le tort de ne pas le connaître et de lui dire que ses chansons avaient quelque chose qui demanderait à être plus abouti.

Ni une ni deux, le bonhomme a réagi par une émoticône « rieuse aux éclats » et m’a bloqué à la façon de n’importe quel adolescent. J’avoue que je n’en avais jamais entendu parler et qu’il en était, selon ses dires, à son quinzième album.

En l’occurrence, force est de constater que l’érudition et la culture ne l’ont pas rendu humble (ce n’est d’ailleurs pas là leur fonction première) et qu’il ne fait vraisemblablement que crier : « Hé ! Regardez comme je suis brillant et malheureux ! Donc… Aimez-moi ! » (Descartes revisité par un enfant mal-aimé ). Sur son Wikipédia, il est précisé qui est politiquement engagé à gauche, comme beaucoup d’élitistes qui, bien évidemment, ne se reconnaîtront pas dans la mesure ils seraient incontinent transformés en fascistes, antisémites, homophobes, wokismophobes, complotistes raoulto-perronniens, covido-sceptiques, climato-sceptiques, canceloclastes, islamophobes, créationistes etc., voire « paysans non-bio » (L’ horreur absolue).

Monsieur Superfort sait-il seulement que ce qui brille n’éclaire pas ?

® Thierry Aymès