PHILOSOPHIE POLITIQUE (à peine)

Il m’est apparu que ce qui motive profondément les intentions de « la droite », découle d’une conviction intime, d’un postulat que l’homme est intrinsèquement mauvais et qu’il ne pourra pas s’améliorer. Il est ainsi, et il faut construire le monde autour de ce constat.

En termes de moyens, il me semble évident que « la droite » croit en l’autorité, la centralisation des pouvoirs imposant, un étatisme important et défend la culture quantitaive du chiffre et de l’objectivité.

De l’autre côté, la conviction intime de « la gauche » me paraît découler de l’hypothèse rousseauiste que l’homme est intrinsèquement bon. D’où la dérive libertaire et le déni des problèmes de sécurité, l’idée que tous les problèmes viennent du manque de moyens, tant dans le domaine de l’éducation ou du chômage, au point d’en oublier les leviers de la croissance.

Pour faire court, en termes de moyens, « la gauche » prône un interventionnisme important de l’État protecteur et re-distributeur, tandis que « la droite » prône bien la toute-puissance de l’État, mais plutôt au profi de l’application de son autorité… Contrairement, « la gauche » est plutôt dans le registre qualitatif, plus subjectif, moins mesurable et, en un sens, plus flou.

Mais « la droite », comme « la gauche » ont infantilisé le citoyen, qu’il soit originellement bon ou mauvais, en lui faisant accroire que l’État tout-puissant réglera tous ses problèmes, qu’il suffit de voter, de lui déléguer tous pouvoir et d’obéir, de lui faire confiance… Les psychologues diraient sans doute que la droite représente « le père » et la gauche « la mère ».

Toutefois, sous nos latitudes, force et de constater que les deux rives politiques prônent la démocratie, alors même que bon nombres d’entre nous regrettent amèrement qu’elle soit à ce point malmenée.

– Que penser, par exemple, de la suppression de la proportionnelle à l’Assemblée nationale et du maintien confortable de cet état de fait interdisant la représentativité des différents courants d’opinion, au motif d’éviter, entre autres, celle de l’actuel Rassemblement national ?

– Que penser de l’autorisation de cumul de mandats doublée d »un absentéisme crasse dans cette même Assemblée ?

– Et enfin, que penser de la compromission évidente entre les pouvoirs politique, financier et médiatique qui rend forcément illusoire ladite démocratie ?

Si le mot démocratie signifie étymologiquement « pouvoir du peuple » (pour le peuple), il semble clair qu’il devrait conduire aux antipodes de l’infantilisation à laquelle nous assistons impassibles (ou presque).

© Thierry Aymès

NOËL À PÂQUES

Voici quelques temps, je me suis pris à écrire un texte au sujet de Noël. Je m’étais souvenu qu’un certain Angélus Silésius écrivit en substance ceci :

« Si Noël n’est que la commémoration d’un fait passé, et non la célébration actuelle (en acte et au présent) de la naissance du Christ en chacun de nous, cela ne nous sert à rien. »

J’avais alors compris que si Noël n’est pas une nouvelle venue au monde toujours renouvelée de sorte que dans le paradigme de la naissance du Christ je vis toujours la mienne propre, alors le christianisme n’est plus qu’une idéologie, non pas une expérience de vie. En ce sens, la fête de Noël vient symboliser chaque année ce qu’en tant que chrétiens nous sommes théoriquement tenus de viser chaque jour, à savoir notre incessante régénérescence par delà ou en deçà des sédimentations toujours un peu pathologiques du passé.

En tant que symbole, la fête de la nativité nous invite à boire à la source l’eau pure d’un Dieu dont l’Être-amour, l’Être-donation nous fait grâce, chaque seconde, de la possibilité d’une naissance « à » et « en » l’Esprit précédant de peu celle de la résurrection que nous ne devons pas situer après la mort, mais aujourd’hui même. L’Eternité est de ce monde… Eternity is from this world…Amen.

Par esprit de justice, je parlerai de Pâques à Noël.

© Thierry Aymès

LA CHAIR ET L’OS

Les comportements des internautes sur le net donnent raison à bien des philosophes. C’est le face à face réel qui engage la responsabilité de chacun, c’est par le dialogue en chair et en os que nous nous lions l’un à l’autre et n’avons plus la possibilité de disposer de chacun comme d’un simple objet. La virtualité relationnelle exaberbe ce que l’homme a de plus monstrueux, elle est une invite faite à son amoralité première, sa tendance à supprimer, éliminer, détruire ce qui ne correspond pas à son fantasme. La politesse, la délicatesse, les égards, le respect ne sont semble-t-il le plus souvent que des effets de culture fragiles que les sites de rencontres et les réseaux font exploser incontinent.

MÉOUVATON ?

De nos jours, la télé FAIT le monde, elle ne le relaye pas jusqu’à nos yeux ou nos oreilles, non. Il est très clair que nos écrans sont massivement les vecteurs d’une seule idéologie dont je n’évoquerai qu’une seule facette : la moraline.

À quelques exceptions près, les présentateurs sont devenus des prêtes « cathodiques ». Ils dispensent la bonne parole non-genrée, multi-culturalisto-capitaliste (sauvage) à longueur de journée.

Ce monde devient irrespirable. Les interdictions grandissent à une vitesse exponentielle au bénéfice d’une seule vision du monde. Pour celles et ceux qui, tout comme moi, ont connu les années 80, la direction que prend le monde est inquiétante.

Ne pas être d’accord devient une raison suffisante pour être illico soupçonné de fascisme, complotisme, antisémitisme, islamophobie, sexisme, homophobie, racialisme etc.

Bientôt les débats contradictoires n’auront plus lieu QUE dans nos salles à manger (et encore).

© Thierry Aymès

SAINTETÉ CONJUGALE (en écriture inclusive… Une horreur ! Plus jamais ça !)

De même que les saint.e.s familiaux.ales, les saint.e.s conjugaux.ales ne partagent leur sainteté qu’avec leurs conjoint.e.s ou leurs parents au sens large. À ne pas confondre avec l’essaim conjugal (ou familial), beaucoup plus menaçant…

Je me souviens avoir lu quelque part que certains humains étaient d’autant plus saints que jamais personne ne le saurait ; d’où le très modeste hommage (ou femmage) que je m’apprête à leur rendre ici. Je m’étonne au préalable, à moins que ce ne soit par igniorance, les « saint.e.s inconnu.e.s » ne soient pas célébré.e.s.

Se peut-il que soient seulement saintes les âmes dont l’amour ne choisit pas son « Qui » ? C’est très probable. Mais décide-t-on jamais d’aimer Qui l’on aime ?

Personnellement, je ne me résous pas à taire l’incroyable patience aimante de certaines femmes ou de certains hommes qui n’ont pas choisi non plus d’avoir tel enfant, tel frère ou telle sœur, ni même tel.le.s conjoint.e.s (que ce.tte dernier.e aient été mystérieusement élu.e par leurs cœurs ou leur parents) et qui les aiment pourtant à en mourir.

Mais qu’est-ce qu’être saint.e après tout ? Est-ce être originellement dépris.e de soi-même par grâce divine ? Si tel est le cas, les saint.e.s chrétien.ne.s, pas plus que les justes du judaïsme ou les  wali de l’Islam n’ont de mérite ; ils ou elles ont été élu.e.s et ont témoigné parfois mortellement de leur lien privilégié avec l’Être de tous les êtres. Peu leur importe leur nombril. D’ailleurs, en un sens, ils ou elles n’en ont pas. La Cause première de leur vie étant située dans l’au-delà de ce monde qu’ils ou elles pensent plus réel que l’Ici-bas, ils ou elles payent, de leur vie ou de leur confort personnel, leur certitude.

Dois-je en rester à cette ingratitude ? Sont-ils ou sont-elles réellement saint.e.s sans le vouloir le moins du monde ? Non, bien sûr. Il serait malhonnête de le penser. L’avoir imaginé quelques secondes suffit amplement. Le Christ n’a-t-il pas lui-même éprouvé un très fort découragement lorsque, crucifié, il s’est senti effroyablement abandonné par son Père ; certain.e.s théologien.ne.s écrivent même qu’à ce moment précis, il descendit aux Enfers et connut la perte définitive du lien qui l’unissait à l’Éternel : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27, 46) ; telles furent ses Paroles dont il revint pourtant en choisissant une forme ultime d’obéissance, une obéissance « de cadavre » selon l’expression de saint François d’Assise. Sans doute les saint.e.s ont-ils ou ont-elles en commun d’avoir perdu toute espérance et de continuer à marcher au cœur même d’une « nuit obscure ».

Quid alors des résistant.e.s athées, des mères ou pères courages sans Dieu, de toutes les bonnes âmes sourdes aux paroles divines ? Doivent-elles être jugées moins saintes pour n’être missionnées que par leur humanité compatissante ? Non, je ne le pense pas. N’ont-elles jamais été tentées par le découragement, le désespoir, la désespérance ? À n’en pas douter, pas moins que les registrées au martyrologe.

Gloire donc aux femmes et aux hommes qui aiment vraiment leurs époux.ses ou leurs conjoint.e.s, non pas à celles et ceux qui les aiment pour des raisons particulières, pour leur intelligence, leur beauté, leur pouvoir, leur renommée ou leur argent non… Gloire à celles et ceux qui aiment avant tout l’imperfection spécifique des aimé.e.s et qui par cet amour les absolvent, les justifient dans leur être. Merci à celles et à ceux qui ne sauraient donner une raison à leur attachement indéfectible et qui, à l’instar d’un Montaigne au sujet de son amitié pour La Boétie disait qu’elle était sans raison véritable. Merci aux saintes épouses, aux saintes conjointes, aux saints époux et aux saints conjoints, aux saint.e.s parent.e.s qui ne savent pas si bien faire en aimant ainsi, qui ne savent pas le miracle d’un amour sans « parce que ». Merci à leur sainte ignorance.

© Thierry Aymès

S’AVOIR (extrait de « Self-interview)

« Je m’ai, tu t’as, il s’a, nous nous avons, vous vous avez, ils s’ont ». Pourriez-vous me conjuguer au passé antérieur et au conditionnel passé seconde forme ce verbe pronominal un peu étrange ?

– À la première personne du singulier seulement si vous n’y voyez pas d’inconvénient : Je m’eus eu et je m’eusse eu. Je vous laisse le soin de poursuivre la construction de la totalité de sa conjugaison. Mais il est étrange que vous me donniez cet exercice avec ce verbe que l’une de mes compagnes et moi-même conjuguions jadis pour nous amuser à la troisième personne indéfinie du singulier sans savoir qu’il existait pour de bon. Dans les moments difficiles qu’il nous arrivait de connaître, nous nous répétions : « Nous, on s’en fout, on s’a ». Nous projetions d’en écrire une chanson. Les aficionados d’un certain amour dont il m’arrive de faire partie ne manqueront pas de relever l’inanité de cette création qui glorifie en un sens l’amour inquisitivement possessif, mais j’avoue que je m’en moque. À l’époque « on s’avait » ou « nous nous nous avions », c’est comme vous voulez, et ceci d’une manière on ne peut plus légère et gravement enfantine. S’avoir nous réjouissait et nous n’avions cure alors de savoir qu’il n’était apparemment pas souhaitable de s’appartenir. Je profite de cette occasion pour vous faire entendre une phrase de Joë Bousquet qui me marqua terriblement et porta ce dernier verbe, synonyme de celui que vous m’avez tendu en exercice, jusque dans le camp d’un amour réputé plus noble et qui ne capture pas : « Aimer, c’est s’appartenir hors de ce que l’on est. ». Nous nous appartiendrions donc nous-mêmes d’aimer cet autre, petit ou grand, mais à l’horizon, cet autre « horizonal », cet autre inapprochable et qui nous fait pourtant marcher vers un QUI à jamais sans prénom.

© Thierry Aymès

« PSY » FAÇON RILKE (extrait de « Self-interview »)

Quels sont les prérequis pour devenir un bon « psy » ?

– Je n’aime pas le mot « prérequis ». Pas du tout même. Il appartient à un certain Establishment où la vie ne vient que très rarement frapper à la porte. Je vous répondrai néanmoins ceci en m’autorisant un emprunt ; celui d’une structure, d’un rythme, d’un parfum, à un texte fameux de Rainer Marie Rilke intitulé : « Pour écrire un seul vers » extrait de ses « Cahiers de Malte ».

– Pour être un bon psychothérapeute, il faut avoir été trahi, abandonné, après avoir été adoré, il faut avoir connu  l’amour et le désir fous, il faut avoir trompé, il faut avoir menti, croisé des visages par millions et longtemps observé la pluie. Il faut avoir senti comment vole le ciel et frémissent les fleurs au petit matin. Il faut avoir connu les chemins où l’on court vers le goûter que de vieilles mains nous tendent. Il faut avoir eu les genoux en sang, les joues brûlées par le soleil. Il faut avoir rêvé au désir le plus impie juste avant de croiser son visage dans une goutte de rosée. Il faut avoir parlé aux inconnus et dormi à la belle étoile. Il faut avoir bu beaucoup. Il faut avoir coupé ses ailes à une mouche, chassé un bébé écureuil, giflé son meilleur ami. Il faut avoir regretté beaucoup. Il faut avoir cru aux ruisseaux comme des fleuves, à leur tumulte et aux bateaux en écorce de pin qui s’y risquaient. Il faut avoir connu ces départs que l’on voyait arriver de loin et ces jours sans faim dont le mystère reste entier. Il faut avoir été déçu par ses parents après les avoir dessinés en grand sur une page blanche, il faut être tombé malade un soir d’été, alors que tout allait bien, il faut avoir traversé des livres à pieds, face à la mer ou dans le vent. Il faut avoir ri, avoir crié très fort, avoir pleuré pour rien. Il faut avoir blanchi des nuits de solitude… Il faut être resté assis auprès d’un mort que l’on peinait à aimer lorsqu’il était en vie ; là, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les rires qui entraient par rafales après avoir rebondi sur le mur d’en-face. Il faut l’avoir pleuré en rêve. Mais il faut savoir oublier tout cela et accepter de ne pas y parvenir. Ce n’est qu’alors que se lève la première vraie séance… Peut-être.

© Thierry Aymès

AU COUVERT DU TEMPS (Texte crypto-politique)

Contrairement aux idées reçues, il se pourrait qu’il n’y ait pas de système politique idéal, mais seulement des systèmes politiques adaptés aux situations à chaque fois nouvelles. Chaque système politique sécrète sa propre mort, voire son opposé diamétral. C’est Héraclite qui a raison. Le ver est toujours dans la pomme qui nous condamne au Devenir, au Dialectique. Un combat initial, étymologiquement, une agonie oriente notre sort. Croire, en un système politique idéal revient à être platonicien, essentialiste. Au même titre que le temps peut être défini comme l’image mobile de l’éternité immobile, le monde tout entier n’évoque qu’à grand-peine un au-delà, une cité divine où règne un système poltique définitif. S’il est vrai qu’à peine nés, nous sommes assez vieux pour mourir, selon la loi bien connue de l’entropie, tout mode d’organisation étatique est originellement voué à sa détérioration, comme le reste. À ce titre, sans doute n’est-il pas raisonnable de se dire démocrate, autoritariste, totalitariste, monarchiste ou féodaliste (pourquoi pas) sub specie aeternitatis (de toute éternité, pour l’éternité), toute structure pointant originellement vers sa dissolution.

Pour le dire autrement, en empruntant à nouveau au lexique de la thermodynamique, toute personne encartée dans un même parti tout au long de sa vie fait à sa manière allégeance à l’homéostasie dont le propre est d’être en un sens du côté du Vivant. Elle s’obstine à rétablir l’ordre en perdition en direction du principe qui l’anime et qu’elle souhaite, semble-t-il, exclusif de ce contre quoi il s’insurge.

Alors, peut-être, doit-on reconnaître que l’engagement politique, tout comme les promesses que l’on peut (se) faire n’est que le fait d’un saint entêtement, l’une des formes visibles de la vie qu’un certain Marie François Xavier Bichat définissait ainsi : « La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».

Mais non décidément, les opposés étant indissociables tant que nous seront de ce monde, seul le Devenir, cet Être, singulier d’être dynamique, voire homéentropique*, nous sussure à l’oreille de suivre stoïquement son cours… Sub specie temporis* et d’épouser attentivement ses formes, de les accompagner… En traînant à peine les pieds.

* À la fois désordre et résistance au désordre.

* Sous le couvert du temps.

© Thierry Aymès

LES AGNEAUX ET LES LOUPS (14/04/2021)

L’heure est-elle à la spiritualité ou au soulèvement populaire ? Certains répondront que l’un n’empêche pas l’autre.

Il semblerait pourtant que dans les faits, la plupart d’entre nous confondent spiritualité et acceptation, spiritualité et mollesse, spiritualité et soumission… Bref…. Spiritualité et démission politique; à moins que ladite spiritualité ne les conduise nécessairement vers le choeur unanime des bien-pensants, dispensateurs de vertus, catéchistes laïques, les rousseauistes définitifs; ceux qui pensent qu’il suffit de se cacher derrière sa main pour ne pas être vu.

Mais les agneaux n’existent pas sans les loups. Qu’ils soient pauvrement affamés ou repus et insatiables, les loups existent bel et bien, tandis que les agneaux aveuglés par leur légendaire et idéaliste douceur s’imaginent qu’ils ne sont que le fantasme de quelques demeuré(e)s. Rien n’a changé depuis La Fontaine, si ce n’est la façon d’être lycanthrope…

LA MAIN DE GUIGNOL

De nos jours, comme le dirait Lili Frikh, « le trottoir fait le tour du monde »; j’ajouterai avec moins de poésie et peut-être plus de clarté que les putes sont désormais à tous les étages. De la politique à la spiritualité en passant par toutes les formes artistiques, tout n’est plus qu’affaires de communication, et peu importe au final ce qui est véhiculé pourvu qu’on en parle avec adresse et légèreté. La tristesse et la lourdeur n’ont plus droit de cité. Dans cette arène obscène et mondialisée, dans cet espace inanimé, les sacrifié(e)s seront toujours les mêmes, mais ne seront fort heureusement jamais les perdants.

Sans plus de précision, je tenais à vous faire savoir qu’on a récemment dit « Merci et A+ » à une amie qui venait de donner une partie de son âme sous peine implicite d’être mise à la marge d’un tout petit monde où l’on prétend croiser le Verbe, alors qu’on y croise le fer. Les marchands sont dans le temple qui, depuis des lustres, ne savent plus ce qu’est le sacré. Nous vivons dans une société de « vandales nombriliques » n’ayant sur eux plus un seul échantillon du vagabondage initial que ce substantif recelait. Bien au contraire, ils ne savent que trop où ils vont. Quant à l’adjectif que j’y ai associé, si l’on veut bien se rappeler que le mot « ombilic » désignait jadis cette cicatrice que nous avons tous en commun et par où nous avons gagné notre première mise au monde, on se dit que c’est Antonin Artaud qui avait raison ; les limbes même finiront à ce train par n’être peuplées que par les pilleurs, juste avant une rédemption qui ne viendra plus. Par cet ombilic donc, par ce vestige de chair, nous restons reliés en mémoire à ce qui aurait pu être notre salut, à ce qui ne le sera pas et nous tournons, tels des derviches sans dieux en quête d’un vertige postiche. Guignol a perdu sa main.

© Thierry Aymès