FIER (D)’AIMER

Peut-on être fier de quelqu’un ?

Cette question me vint à l’esprit, quand, à la suite d’un succès récent que connut ma fille, plusieurs ami(e)s me dire : « Tu dois être fier d’elle ».

Par cette question que je pose plus haut, nous devons nous demander s’il est logique d’être fier d’une personne ? Si, étant donné le sens de l’adjectif « fier », il n’est pas absurde de se dire fier de qui que ce soit ?

En effet, à condition d’admettre que la fierté est ce sentiment d’amour-propre que nous pouvons éprouver, autrement dit cette sensation d’importance que nous attachons à ce qui nous est personnel, alors il paraît idiot de se dire « fier » d’elle ou de lui dans la mesure où l’autre n’est tout simplement pas moi.

Nous sommes alors en droit de penser qu’il est à tout le moins étonnant de se dire personnellement fiers de ce qui appartient en propre à autrui, d’éprouver un sentiment d’amour-propre relativement à ce qui ne m’est pas propre.

En première analyse, « Être fier de…  » est donc clairement irrationnel.  Mais en rester là serait sans compter avec l’amour.

Toutefois, ne sommes-nous pas toujours fiers, non pas de tel ou tel quidam, mais d’une personne dont nous sommes très proches ? d’une personne que l’on aime ? Entendons par là, d’une personne dont on partage les joies ou les peines. Et à ce titre, ne pouvons-nous pas aisément concevoir comme un pont tendu entre elle et nous-mêmes ?

Si nous gageons en effet que les relations priviligiées que sont l’amour ou l’amitié sous-entendent à l’instar dudit pont évoqué plus haut comme l’extension de l’être de chacun à celui de l’autre, alors ses résultats sont en un sens les miens. Réussissant ceci, telle personne me rend fier dans la mesure où, par le jeu de l’amour que j’éprouve pour elle, je confonds en un point ma vie avec la sienne.

Je suis alors fier d’elle, comme de moi… ou presque.  

Nous sommes bel et bien fiers d’aimer. C’est l’amour que nous éprouvons pour autrui qui fait que nous pouvons être fier de lui. Ma fierté s’origine dans l’amour que j’éprouve pour lui.

© Thierry Aymès

NOTA BENE : Le « d' » doit être entendu comme l’équivalent de « from » en anglais.

THE INITIALS P.P

Qui pourra dire, comme au bon vieux temps, que les doubles initiales portent bonheur ?

Non plus cet humoriste que le destin le plus funeste a récemment jeté en pâture aux gémonies médiatiques en même temps qu’il y expédia plus inexplicablement quatre personnes innocentes dont l’une était sur le point de naître.

Qu’il soit coupable ne fait aucun doute. Mais coupable de quoi ? Et n’est-il QUE coupable ?

En tout premier lieu, convenons qu’il est coupable d’avoir été faible lorsqu’il se trouva aux prises avec une célébrité fulgurante. D’avoir succomber aux charmes des sirènes show-businessiennes dont on sait depuis longtemps l’amour des substances illégales et des pratiques sexuelles les plus discutables. Coupable d’avoir été très vite le champ d’un conflit sexuelo-identaire délétère, et qu’il put sans doute assumer grâce aux rencontres qu’il fit très vite une fois propulsé dans la lumière. Coupable, d’avoir cru qu’il serait plus fort qu’une certaine Blanche qui commença par le divertir avant de l’anéantir. Coupable de s’être pris pour ce qu’il n’était pas, à savoir un demi-dieu qui, à défaut d’être beau, était drôle, intelligent et riche. Coupable d’avoir été orgueilleux et con.

Mais qui ne l’a jamais été ?

En l’occurrence, un certain galiléen pourrait nous aider à tempérer nos ardeurs accusatrices.

Une femme adultère fut condamnée à la lapidation par les intégristes de son époque. Il la libéra de ses incriminateurs en une seule phrase : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! »

Le message est on ne peut plus clair : nous sommes tous coupables. Il nous suffit de nous inspecter avec honnêteté pour convenir que nous avons eu le plus souvent de la chance. Chance de n’avoir pas été pris au volant en état d’ébriété. Les plus anciens comprendront.

Ce sont d’ailleurs les hommes âgés qui, les premiers, renoncèrent à caillasser la pécheresse.

Bien sûr, il est aisé de penser de la sorte lorsque l’on n’est pas directement concerné par pareil crime. Convenons-en. Serions-nous de la famille des victimes, le pardon nous serait plus ardu.

Mais, en l’occurrence, le coupable qui fait actuellement l’objet d’une chasse acharnée, après l’avoir été de lui-même, n’est-il pas victime des intégristes médiatiques, des pharisiens, des hypocrites obsènes en mal de sensationnalisme grassement rémunérable ? Et demandons-le avec force, le milieu du show-business, récemment élargi à la sphère politique et sportive (voire désormais à tout le monde), ne devrait-il pas s’occuper de la poutre qui est plantée dans son oeil ?

Il ne s’agit pas d’acquitter Monsieur P.P ; ce ne serait pas justice. Il ne s’agit pas de l’affranchir en faisant de son statut de « vedette » une raison suffisante pour ce faire… Mais il ne s’agit pas non plus de faire de ce même statut une manne miraculeuse. Sa croix sera lourde à porter jusqu’à la fin de sa vie. Être coupable de la mort d’un enfant à naître et du handicap perpétuel de deux autres personnes lui sera une horreur ad aeternam.

® Thierry Aymès

NOTA BENE : Le tableau est de Eero Järnefelt (1863-1937) et se trouve l’église Saint-Pierre dans la ville de Lieto en Finlande.

PIERRE OU CHARLES

C’est dit, l’heure est à l’inclusivité tous azimuts. Les marchands ont entre autres compris que les Kate Moss, Claudia Schiffer ou autres Naomie Campbell (désormais quinquagénaires) ne passent plus que pour les porte-drapeaux d’une esthétique tyrannique dont la majorité des femmes se sentait exclue. Alors, sous couvert d’amour inconditionnel, au nom d’une agapè, d’un altruisme galopant, les camelots médiatiques se sont pris de passion pour les ostracisé(e)s de tout poil. À ne pas trop y réfléchir, l’on pourrait croire à une évangélisation sincère.

Alors que penser de cette nouvelle tendance au galop ?

Les plus optimistes diront qu’il était temps. Que les voix du Seigneur sont parfois surprenantes, mais qu’à tout prendre, il vaut mieux ce qui semble venir que se complaire à un eugénisme dont les entrepreneurs fortunés ont longtemps fait leur beurre. Et en effet, l’Abbé Pierre n’a-t-il pas écrit que la vie est bien plus belle que la prudence.

Les plus septiques ne verront en revanche que l’oeuvre du diable dont on sait depuis Baudelaire que la plus belle des ruses est d’être parvenu à nous persuader qu’il n’existe pas.

Nous voilà bien avancés.

© Thierry Aymès

UNE BÊTE BRANCHÉE

Vers 8h30, cela faisait une minute que je suivais une camionnette Peugeot blanche quand mes yeux atterrirent sur sa plaque d’immatriculation.

CC 666 TA

Je ne mis pas longtemps a y voir un signe qui aurait pu être de mauvais augure. Elle me disait : « Coucou Thierry Aymès ! Satan va se manifester aujourd’hui même dans ta vie ». Je ne sais pas vous, mais depuis le 33 tours du groupe Aphrodite’s Child de 1972, je suis clairement devenu « hexakosioïhexekontahexaphobe ». Excusez-moi du peu.

Il n’empêche que la Bête a daigné m’avertir de façon à peine codée. Elle s’est même mise à la page en écrivant « CC » pour me dire « Bonjour ». Il faut dire qu’elle n’est sans doute pas pour rien dans l’apparition du smartphone et l’écriture textoïque qui va avec.

Elle aurait pu s’abattre sur moi sans crier gare, mais non. En gros, elle m’a prévenu : « Bonjour Thierry ! je tenais à te faire savoir qu’aujourd’hui, normalement, tu devrais dérouiller ». Super !

À partir de ce moment-là, j’ai ouvert l’oeil et ne me suis risqué à rester dehors qu’une petite demi-heure; ce qui est idiot dans la mesure celle ou celui qui était sensé s’occuper de moi n’a que faire de la spécificité du lieu… Rien n’arrête jamais sa détermination de nuire.

À 19h04. Toujours rien. J’attends. Deux amis viennent boire l’apéro. L’un d’eux va peut-être me décevoir ou m’occire, allez savoir. Ma compagne va-t-elle m’annoncer qu’elle me quitte ou qu’elle m’a trompé avec mon frère dont, à cet instant, j’ignore totalement l’existence.

CC 666 ! ici T.A. T’attends quoi pour t’abattre sur moi ? Que je m’endorme pour ne plus jamais me réveiller ?

© Thierry Aymès

L’AUTRE-DÉTACHABLE

A l’occasion d’une rupture, ce n’est pas seulement un être que l’on perd, mais un monde. L’aimé n’est pas une abstraction que rien n’environnerait, il est une prégnance au sein d’un tout. Lorsque l’on sait que « pregnant » en anglais veut dire « enceinte », allons jusqu’à prétendre que c’est ce tout même qui porte en son sein la personne chérie sans jamais l’expulser tout à fait. Si le deuil d’une relation privilégiée est si difficile à faire, c’est qu’à bien comprendre ce que j’écris plus haut, la rupture nous condamne à l’im-monde et tend à nous virtualiser. Tout comme l’individu, l’autre-détachable est un mythe ; il n’existe que des imbrications, des agrégats. L’on ne perd jamais un être, mais c’est en un sens le monde qui le portait et le rendait visible qui s’écroule avec nous lorsqu’une histoire d’amour s’achève avec plus ou moins de fracas.

IL Y AURA TOUJOURS

Il y aura toujours quelqu’un pour promener un chien à l’heure où toute la ville dort.

Il y aura toujours une fontaine pour m’offrir goutte à goutte une chanson triste en pleine nuit.

Il y aura toujours des glaces de plus en plus grosses que l’on ne peut bien apprécier qu’au cinéma du village voisin.

Il y aura encore des hivers à parler à l’air libre avec d’énormes volutes de fumées blanches pour nous faire ressembler à des indiens qui se parlent de loin.

© Thierry Aymès

DE TRAVERS

Si vous êtes né(e) au sein d’un couple qui, de toute évidence, n’aurait pas tenu sans vous, il y a de très fortes chances pour que vous en ayez payé le prix.

Vous me répondrez que de nos jours, les couples ne s’embêtent plus avec ce genre de situations et se défont à l’avantage d’une famille recomposée beaucoup plus harmonieuse. Ce n’est pas faux. Mais il reste quelques irréductibles qui, coincés entre tradition et qu’en-dira-t-on, préfèrent encore sauver les apparences. C’est aux enfants de ces derniers que je pense; qu’ils soient jeunes ou moins jeunes.

En effet, comment aimer un être qui nous a « piégé », le plus souvent en arrivant par accident ? Si les parents ne restent ensemble que par moralité, si l’un ou l’autre (le plus souvent la mère) reporte, qui plus est, sur lui tout l’amour qu’il n’éprouve plus pour son conjoint. L’enfant engrammera presque à coups sûrs un sentiment de culpabilité, une crainte exacerbée du père-rival (ou de la mère-rivale) et développera de nombreuses pathologies liées aux ressentiments inévitables de ses parents à son égard. Ils auront beau dire et beau faire, les antennes de l’enfant capteront sans faillir les moindres soubresauts de chacun et celui-ci se sentira immanquablement menacé d’abandon.

Alors… Peut-être deviendra-t-il indocile, rebelle, marginal pour se donner « inconsciemment » une raison valable de l’impression d’indésirabilité qui sera la sienne. Il pourra alors penser : « Mes parents ne m’aiment pas à cause des bêtises que je fais, de mes mauvaises notes, de mon indiscipline etc. », au lieu de : « Ils ne m’aiment pas, parce qu’ils m’en veulent d’être venu au monde ».

Ainsi rationalisé, ainsi justifié, son mal-être sera-t-il plus ou moins supportable, moins radical.

En un sens, et dans le meilleur des cas, ses parents confondront possiblement « amour » et « culpabilité de ne pas aimer ». Ils oscilleront alors entre un rejet plus ou moins frontal, plus ou moins masqué et des excuses tendrement formulées, tout en ne manquant pas de transmettre cette ambivalence à leur progéniture par le biais d’un très puissant « non-dit ».

Ce faisant leur enfant se construira de travers… Et la question de l’amour sera la seule de toute sa vie.

Il « fera » ce qu’il croira devoir faire pour recevoir ce dont il manque, et ce ne sera jamais suffisant. Il confondra « être » et « faire » tout en pressentant confusément qu’il devrait être aimé, non pas pour ce qu’il fait, mais pour ce qu’il est. Il aimera comme il a été aimé… mal. Il cherchera l’amour inconditionnel, mettra ses conjoint(e)s à l’épreuve pour s’assurer de la profondeur de leurs sentiments, jusqu’à ce qu’il soit réparé par une manière de miracle auquel il tardera à croire.

Et pourquoi tardera-t-il ? Parce que ses parents ne peuvent pas ne pas l’avoir aimé sans raison valable. Parce qu’ils ne sont pas des êtres humains comme les autres, parce qu’ils sont des… dieux… Infaillibles. La traversée de cette certitude, la percée de cette illusion, un temps salutaire, aura flâné.

Il aura construit une forteresse, un château, un palais… Il aura accumulé une montagne de preuves de sa valeur, de son amabilité, et un jour une femme ou un homme n’en aura que faire… Quelqu’un l’aimera d’avant sa naissance, juste parce qu’il est.

© Thierry Aymès

PAS MON GENRE

J’ai de la chance ! Je me sens en phase avec mon appareil génital. Par les spécialistes de la question, je suis dit « cis-mâle ». Ouf ! Je fais partie du plus grand nombre. Mon sentiment d’appartenance est traditionnellement sauf. Je n’ai pas à le chercher. Je suis né avec. Si Dieu existe, permettez-moi de le remercier. J’ai déjà suffisamment de mal à exister…

En revanche, les transgenres non-binaires sont beaucoup plus rares… Et conséquemment plus précieux, je suppose. Vous vous demandez ce qu’il faut entendre par là ? C’est très simple. Il y a des personnes nées hommes qui se sentent femmes, font en sorte d’acquérir certains signes extérieurs de féminité, mais ne renoncent pas pour autant à leurs barbes dans la mesure où elles refusent de faire allégeance à un « cliché ». What else ? Rien de plus. Choisir son camp entre deux (ou 3) ne sera bientôt plus d’actualité. Aujourd’hui, 9 février 2023 à 13h24, nos adolescents ont la possibilté de choisir entre 72 identités de genre… Et sans doute ce chiffre n’est-il que provisoire. Un nouveau marché est ouvert.

À en croire l’écrivain, éditeur et haut fonctionnaire Guillaume Dustan, en un sens, celui qui se dit purement homme est probablement un être sans nuances, très peu attentif aux remous infinitésimaux de son âme, un individu primaire et servile, docilement construit sur la base d’une définition caricaturale. Idem pour celle qui prétend être absolument femme. À vos loupes ! Si vous plongez en vous-même, nul doute que vous trouverez bien autre chose que celle ou celui que vous croyez être. Alors, prenez votre cabas et visitez la gondole pour les « non-cis » dans ce nouveau supermarché.

Plus sérieusement, et à y regarder de plus près, les aficionados des études de genre sont des existentialistes TROIS POINT ZERO. Ils refusent les essences, entendez par là qu’ils ont horreurs du diktat des a priori , des déterminations normatives, des délimitations emputantes et leur préfèrent l’invention individualisante, la création adaptée, le sur-mesure, le bespoke identitaire. Ils crient comme un seul… homme (cette expression sera très bientôt jugée délictueuse) à la suite de Jean-Paul Sartre : « L’homme se fait, il n’est pas tout fait d’abord… ».

Parce qu’il n’y a pas à ressembler à une image politiquement commode qui précéderait notre venue au monde, il s’agit désormais de traquer le moindre indice « non-ceci » ou « non-cela » en matière de sexuation psychique pour affiner notre « genration » (Je crois que le mot n’a pas encore été proposé).

OK ! Mais alors, et dans un autre domaine, quid de celles et ceux (ou ceuxles) qui ont toujours éprouvé un malaise face aux méthodes dissertatives qu’ont leur présentait comme la seule façon de penser ? Quid de ceux à qui l’ont reprochait une trop grande imagination ?

Ici je parle pour moi. Je ne me suis jamais senti « cis-philosophe » et encore moins « cis-mondain ». Bien au contraire, je me suis récemment rendu compte qu’en ces domaines, j’étais plutôt « trans » depuis toujours.

Mais il est vrai que Montessori, Freinet, Steiner ont depuis longtemps pris acte d’une certaine catégorie d’élèves (d’apprenants), tandis que Peter Salovey et John Mayer ont depuis longtemps théorisé l’existence d’une intelligence émotionnelle, alors…

Non décidément, il ne restait qu’un seul bastion à assiégier.

© Thierry Aymès

LE FIL BLANC

Rien ne me surprend. Je pourrais presque dire comme un certain chanteur que la vie ne m’apprend rien… Ou si peu. Je suis qui plus est hermétique à ce que je sais être vrai et souhaitable. Mes connaissances ne me servent qu’entre un fromage et une poire William; assis à une table.

Ils auront tout fait comme il faut. Je m’y attendais. Après avoir été enfants, ils sont entrés en adolescence et se sont vite mis en couple, plus ou moins officiellement. Puis ils ont commencé à travailler, ont fait un ou plusieurs enfants, ont acheté une maison, un quatre/quatre, plus rarement une piscine et se retrouvent aujourd’hui à la retraite ou presque et se souviennent la larme à l’oeil de ce qu’ils n’ont pas vécu.

Le compte à rebours se fait plus bruyant. Lui à réussi, l’autre un peu moins. C’est l’heure des bilans; celui des trimestres… 168…

« Tu les as toi ? Non, il m’en manque. J’ai fait du hors-piste, c’est pour ça. J’ai pourtant pas été une fourmi, j’ai juste pris un chemin de noisettes ».

J’aime pourtant les retrouver, désespéréments intacts. Un verre de rosé à la main, elle me dit :

« Y a beaucoup de gens qui t’aiment pas ! »

« Ah bon !? »

« Ouais, tu fais prétentieux ! ».

C’est la même chanson, comme dirait un autre chanteur. Je lui réponds :

« Tu penses ça, toi aussi ? »

« Non. Moi non. je t’ai toujours apprécié. Je te vois au contraire comme quelqu’un de très ouvert et généreux. »

« Qui dit que je suis prétentieux ? »

« Y en a plein, mais ils sont pas là. »

« Sans doute des personnes qui ne m’ont jamais parlé parce que de loin ‘Je fais prétentieux’. S’ils savaient… Mais ils ne sauront jamais; ils ne veulent pas savoir. Ça ne les intéresse pas. Ils ont mieux à faire. Ils préfèrent ne pas aimer, c’est peut-être avec ça dans le coeur qu’ils se sentent vivre.

« Tu vois, quand tu dis des trucs comme ça, on dirait que tu te crois supérieur aux autres ».

« Et merde ! J’ai bon quand je dis « Et merde ! » ?

Elle éclate de rire… Rien n’a changé. Dans un coin de ma vie, le temps a passé pour rien. Tout était cousu de fil blanc. Le mécanique ne faillit jamais.

Qui a dit en sustance que vivre c’est naître, s’agiter un peu et puis mourir ?

Pour noicir un peu plus le tableau, j’ajouterai : « Dans le meilleur des cas ».

© Thierry Aymès.

LE MAQUIS OU LA SOUTANE

Par-delà les querelles d’écoles, la psychanalyse est avant tout l’art d’écouter (d’analyser) la psyché humaine dont il y a tout lieu de croire qu’elle est trouée par une zone d’ombre, un continent noir, « l’Inconscient », inconnaissable directement, et qui se manifeste de différentes façons. Elle s’édifie donc sur la base d’une foi en une zone « interdite de cité » tenue, pour partie, responsable de perturbations psychiques et dont il s’agit de découvrir le visage par le biais d’un travail commun, essentiellement fondé sur le langage, entre une personne demandeuse et son analyste.

De Spinoza à Lacan, en passant par Schelling, Schopenhauer, Nietzsche, Hartmann, Freud, Jung et autres Françoise Dolto, le concept d’Inconscient pose avant tout le sujet (au sens large), comme second d’un processus, et le condamne à n’être pas capable de transparence vis à vis de lui-même, tout en nous contraignant à repenser la notion même de Liberté.

Je sais clairement QUE je suis, mais je ne sais pas QUI je suis.

Je précise que je ne suis d’aucune école; les écoles avec leur prétention totalisante leur foi en une clef universelle m’ont toujours paru suspectes et les rivalités entre elles ont a mes yeux des airs de sectarisme dont je me méfie. J’ai toujours préféré le maquis à la soutane.

Les psychanalystes ne détiennent pas la vérité et je m’efforce de manier certains de leurs concepts (celui de résistance et même de transfert ) avec la plus grande précaution. D’autre part, face à certains philosophes platonisé(e)s, nietzschéisé(e)s, heideggeré(e)s ou en un mot endoctriné(e)s, je me plais régulièrement à évoquer la parabole des « 4 aveugles et de l’éléphant »:

Quatre aveugles s’assemblèrent un jour pour examiner un éléphant. Le premier toucha la jambe de l’animal et dit : « L’éléphant est comme un pilier. » Le second palpa la trompe et dit : « L’éléphant est comme une massue. » Le troisième aveugle tâta le ventre et déclara : « L’éléphant est comme une grosse jarre. » Le quatrième enfin, fit bouger une oreille de l’animal et dit à son tour : « L’éléphant est comme un grand éventail. « Puis ils se mirent à se disputer sur ce sujet. Un passant leur demanda la raison de leur querelle ; ils la lui exposèrent et le prirent comme arbitre. L’homme déclara : « Aucun de vous n’a bien vu l’éléphant. Il n’a pas l’air d’un pilier mais ses jambes sont des piliers ;il n’a pas l’air d’un éventail, mais ses oreilles éventent ;il n’a pas l’aspect d’une jarre, c’est son ventre qui y ressemble ;il n’est pas une massue, c’est sa trompe qui est semblable à une massue. L’éléphant est une combinaison de tout cela : jambes, oreilles, trompe et ventre. » Ainsi se querellent ceux qui n’ont vu que l’un des aspects de la Divinité.

J’ajoute que je ne considère pas sainte Thérèse Lisieux comme une anorexique mentale à tendance hystérique, que la notion de divin ne me paraît pas dériver d’une névrose quelconque et que l’art me semble susceptible d’être autre chose qu’un acte sublimatoire potentiellement facultatif.

Convaincu que ce qui manque le plus à bon nombre d’entre nous est la possibilité de s’exprimer en toute liberté et de confronter à un autre que soi son discours intérieur, je ne propose a priori rien de plus qu’une écoute ouverte, sans jugement, et pense qu’elle suffit bien souvent à faire émerger ce qui doit émerger et qui, en émergeant nous déleste.

Mon travail s’inspire donc d’un syncrétisme philosophico-psychanalytique possiblement mis entre parenthèse en fonction de la personne qui est entrée dans mon cabinet.

© Thierry Aymès (05/02/2013)