« Ad initium, homines qui extra ipsorum existunt sumus ».
S’ils confisquent notre identité, nous condamnent à la répétition d’une image qu’ils ont de nous et qu’ils y tiennent éperdument, alors notre capacité à nous créer, à nous définir et à nous vouloir autrement se voit considérablement compromise ; alors notre puissance intime est étouffée.Nous voilà, non pas enfermés, mais ex-fermés ; bel et bien forclos.Or, il est inévitable que nous nous soyons reçus initialement du dehors. Plus précisément, il était écrit que nous dussions abriter un récit-migrateur tenu pour salutaire, comme l’on héberge à notre corps défendant un étranger dont on nous assure qu’il nous veut du bien. Alors que nous étions de très jeunes enfants, nos tout premiers autres (papa et maman), nous ont dit qui nous étions ; nous avons appris « par cœur » les mots qu’ils nous adressaient et qui étaient censés nous « informer » dans le double sens de ce terme :a) Ils nous ont donné forme, alors que nous étions tenus pour amorphes, à l’image d’une glaise où, en toute liberté, s’exercèrent leurs Verbes qu’un « fiat » réflexe et provisoire corrobora.
b) Ils nous ont, soit disant, renseignés à notre « sujet » à une époque où nous n’étions encore que de curieux « objets », curieux d’être potentiellement subjectivables.
Le tout, dans un même temps ; nécessaire et originelle ambiguïté… Lorsque décrire revient à écrire…
Nous sommes faits de ce discours-là. Qu’ils nous aient encensés ou insultés, qu’ils aient enchaîné louanges et sermons, quelles que furent leurs musiques, ils nous ont d’emblée construit un exosquelette identitaire qu’il s’est agi très vite d’épaissir en lui donnant de la chair ; et sans doute est-ce premièrement à l’adolescent qu’il nous fut possible de nous sculpter de l’intérieur en arrachant marteau et ciseau de leurs mains.
© Thierry Aymes